Les microorganismes marins, des composants majeurs de l’océan… mais invisibles à l’œil nu !

Un litre d’eau de mer renferme des milliers, parfois des millions, de petits êtres invisibles à l’œil nu. Ces microorganismes, le plus souvent des êtres composés d’une seule cellule, présentent une grande diversité. Ils jouent des rôles indispensables pour le fonctionnement des écosystèmes. Comment et pourquoi sont-ils étudiés à l’Ifremer ?

Que sont les microorganismes marins ?

Ce sont tous les organismes invisibles à l’œil nu. En mer, ce sont des microalgues, des bactéries, des cyanobactéries, des virus… On trouve des microorganismes à la fois dans la (sidenote: Colonne d’eau Le volume d’eau compris entre le fond et la surface. ) (ce sont le phytoplancton et le zooplancton), sur les fonds marins, à l’intérieur des sédiments  ou encore sur les algues, les coraux… Les microorganismes marins présentent une grande diversité : on n’en connaît encore probablement qu’une faible partie ! Pourquoi cette diversité microbienne est si importante ? Les microorganismes marins remplissent des fonctions indispensables au fonctionnement des écosystèmes : production primaire de biomasse, production d’oxygène, microbiote protecteur de l’organisme sur lequel il vit, etc.

Focus sur quelques microorganismes étudiés à l’Ifremer.

Les microalgues, essentielles aux écosystèmes marins mais parfois toxiques

Les microalgues sont des êtres vivants pratiquant la photosynthèse, constituées d’une cellule unique et dont l’ (sidenote: ADN L’ADN (ou « acide désoxyribonucléique ») est une molécule située au cœur de chacune de nos cellules. L’ADN est le support des caractères génétiques de chaque individu. Il est le principal constituant des chromosomes. ) est contenu dans un noyau (contrairement aux bactéries). 

Les microalgues tirent leur énergie de la photosynthèse : elles produisent de la matière organique à partir de l’énergie du soleil et du dioxyde de carbone (C02) dissous dans l’eau.

Elles sont ainsi :

  • Les principales productrices d’oxygène dans l’océan.  Elles produisent à elles seules la moitié de l’oxygène sur la planète (l’autre moitié étant produite par les plantes terrestres).Des productrices de matière organique : elles représentent une ressource alimentaire pour le zooplancton (larves de poissons, petits crustacés…). Elles constituent ainsi la base des chaînes alimentaires océaniques. 
  • De grandes consommatrices de CO2 : elles participent à faire de l’océan un puits de carbone majeur, qui contribue à l’atténuation du changement climatique. 

Il y a des milliers d’espèces de microalgues utiles à l’écosystème mais aussi 175 espèces qui sont toxiques pour les humains ou nuisibles pour l’écosystème.

Philipp Hess
Ifremer | Chercheur en chimie des phycotoxines
Directeur de l’Unité Physiologie et Toxines des microalgues toxiques et nuisibles

Ces microalgues présentent une grande diversité. L’Ifremer s’intéresse en particulier à deux groupes très représentés dans le phytoplancton : les dinoflagellés et les diatomées. Cet intérêt est dû à la fois à leur importance dans le cycle du carbone et la production d’oxygène, mais aussi à la toxicité de certaines espèces : plusieurs espèces du genre de diatomée Pseudo-nitzschia et de nombreuses espèces de dinoflagellés produisent des toxines qui peuvent affecter les humains, lors de la consommation de produits de la mer et plus rarement lors de la baignade. 

100 000

Nombre total estimé d’espèces de microalgues

5 000

Nombre d’espèces de microalgues connues des scientifiques, en constante augmentation

Les scientifiques de l’Ifremer ont répertorié 175 espèces de microalgues toxiques et nuisibles à l’échelle mondiale : Toxic and harmful microalgae of the World Ocean.

À côté de ces groupes les plus abondants, d’autres microalgues sont présentes, comme les haptophytes (par exemple les coccolithophores, des algues qui fixent le calcaire : ce sont elles qui ont constitué les célèbres falaises d’Etretat !), ou encore les microalgues de la lignée verte, qui sont du même groupe que les grandes algues de la même couleur (car elles ont en commun les mêmes pigments pour leur photosynthèse).

La composition en microalgues de l’eau de mer varie selon la zone géographique, la saison, la qualité de l’eau… Les pollutions, le transport maritime et le changement climatique modifient les équilibres. Et par conséquent les communautés de microalgues : celles-ci peuvent disparaître, proliférer ou changer d’aire de répartition. Par exemple, sous l’effet du changement climatique, nombre de microalgues remontent vers le Nord dans notre hémisphère. Ainsi, on retrouve sur le littoral de l’Hexagone des microalgues précédemment connues jusque-là uniquement dans les eaux tropicales.

Tous les groupes de microalgues peuvent proliférer rapidement lorsque les conditions environnementales leurs sont favorables. Ces phénomènes sont appelés blooms ou efflorescences et peuvent avoir un impact sur la biodiversité marine ou les humains.

On découvre encore de nouvelles lignées de microalgues, notamment grâce à l’ADN environnemental (sidenote: ADN environnemental C'est une technique qui permet d'identifier les espèces présentes dans un milieu, sans isoler chaque organisme au préalable. L’ADNe peut être extrait à partir d’un échantillon naturel (eau, sédiment, etc.). Il s’agit d’analyser à la fois l'ADN de cellules intactes, mais aussi les traces d’ADN laissées par les organismes, via des urines, morceaux de peau, mucus... ) ou aux expéditions scientifiques.

Nicolas Chomerat
Ifremer | Taxonomiste spécialiste des microalgues

Les virus ne sont pas organisés en cellule. Ils sont constitués de matériel génétique ( (sidenote: ADN L’ADN (ou « acide désoxyribonucléique ») est une molécule située au cœur de chacune de nos cellules. L’ADN est le support des caractères génétiques de chaque individu. Il est le principal constituant des chromosomes. ) ou (sidenote: ARN L’ARN (ou « acide ribonucléique ») est une molécule impliquée dans les mécanismes cellulaires. Elle peut avoir plusieurs fonctions, par exemple copier l’information génétique (l’ADN) et la diffuser dans la cellule, par exemple pour créer des protéines. Chez certains virus, appelés « virus à ARN », cette molécule est le support de l’information génétique. ) ), entouré de protéines. Incapables de se reproduire seuls, ils ont besoin d’un hôte, dont ils vont utiliser les constituants pour se multiplier. On trouve dans l’océan à la fois des virus s’attaquant aux organismes marins, mais aussi des mais aussi les virus issus des humains (norovirus, sapovirus qui causent des gastro-entérites), qui peuvent être retrouvés dans certaines espèces marines comme les coquillages bivalves filtreurs et poser des problèmes sanitaires en particulier au travers de la consommation de produits de la mer.

Les bactéries sont constituées d’une seule cellule très particulière. On parle de cellule « procaryote » : le matériel génétique (l’ADN) est libre dans la cellule (il n’est pas enfermé dans un noyau comme c’est le cas pour les cellules « eucaryotes » tels que les microalgues et les organismes à plusieurs cellules.

Les bactéries sont présentes partout dans le milieu marin, depuis les côtes jusqu’aux grandes profondeurs. Les différents types de bactérie remplissent de nombreux rôles : production primaire de biomasse sans photosynthèse près des sources hydrothermales, production de vitamine B12 pour les algues sur lesquelles elles vivent en symbiose, un     microbiote protecteur pour d’autres microalgues, ou agents pathogènes, responsables de maladies, etc. 

Certaines microorganismes viennent des bassins versants

On peut trouver en mer, le long des côtes, certains virus et bactéries issus du microbiote des humains ou des animaux. Parmi eux, l’Ifremer s’intéresse particulièrement à ceux responsables de maladies chez les humains, comme les bactéries Escherichia coli, les norovirus, sapovirus (ces trois micro-organismes sont responsables des gastro-entérites). Ils atteignent le milieu marin en cas de défauts dans le système des eaux usées ou de surcharge de ces systèmes (pluies torrentielles…). Ils sont le plus souvent dégradés progressivement dans l’eau de mer, mais peuvent aussi être filtrés par les coquillages et s’y fixer. Ils peuvent être alors responsables de maladies chez les consommateurs. La présence de ces agents pathogènes est surveillée grâce au suivi d’Escherichia coli, qui joue un rôle d’indicateur de contamination fécale des eaux littorales.  

Des microorganismes sous surveillance

Pour observer ces bactéries, virus et microalgues, et plus particulièrement ceux qui peuvent présenter un risque pour les humains ou pour des espèces marines d’intérêt, l’Ifremer a déployé des réseaux d’observation et de surveillance. Certains recherchent la présence de microorganismes dans les coquillages, d’autres directement dans l’eau de mer. Certains de ces réseaux remplissent des missions d’appui aux politiques publiques : ils fournissent des informations qui éclairent les pouvoirs publics dans leurs décisions, notamment en lien avec les réglementations.

Le meilleur moyen de lutte contre ces virus issus des activités humaines est d’avoir un bon état écologique du littoral, de limiter les rejets d’eaux usées.

Soizick Le Guyader
Ifremer | Chercheuse en microbiologie sanitaire

Ifremer a recherché la présence potentielle du virus SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19, en zones littorales

Les scientifiques surveillent la présence d’agents pathogènes dans les eaux usées depuis de nombreuses années. Lors de la crise de la Covid-19, les scientifiques ont pu être réactifs pour surveiller la présence du virus SARS-Cov2, responsable du Covid, en mobilisant les réseaux existants. Le réseau national Obépine dont l’Ifremer est un des membres créateurs, perdure comme outil de suivi des épidémies à partir des eaux usées. Sur le littoral, l’Ifremer a recherché le virus dans les organismes marins, en particulier les coquillages. Aucune détection du SARS-CoV-2 n’a été observée. 

Les cyanobactéries

Les cyanobactéries sont des bactéries qui font de la photosynthèse (comme les microalgues, les plantes…), mais dont l’ADN n’est pas enfermé dans un noyau (contrairement aux cellules des êtres pluricellulaires). Comme les microalgues, elles contribuent à la production d’oxygène et à la consommation de CO2.

Les protozoaires

Ce sont des êtres vivants composés d’une seule cellule renfermant un noyau (comme les cellules humaines, et contrairement aux bactéries), mais qui ne pratiquent pas la photosynthèse (contrairement aux microalgues).

Certains d’entre eux sont étudiés à l’Ifremer car ils sont des parasites des bivalves (huîtres, coques…) et peuvent toucher les exploitations conchylicoles.