ROME : un réseau d’observation de la diversité des microorganismes dans l’eau

Quelle est la diversité des microorganismes sur le littoral ? Quelles espèces dangereuses sont présentes et à quel moment de l’année ? Autant de questions auxquelles le réseau ROME vise à répondre, à partir d’un outil scientifique en plein essor : l’analyse de l’ADN environnemental.

Qu’est-ce que l’ADN environnemental ?

L’ADN est une molécule située au cœur de chacune de nos cellules (ADN est une abréviation qui signifie « acide désoxyribonucléique »). L’ADN est le support des caractères génétiques de chaque individu.

L’ADN environnemental (noté ADNe) permet d’identifier simultanément les espèces présentes dans un échantillon naturel (eau, sédiment, bivalve marin, etc.), sans isoler chaque organisme au préalable. Il s’agit d’analyser à la fois l’ADN de cellules intactes (bactéries, microalgues, mais aussi morceaux d’animaux) et des traces d’ADN laissées par les organismes, via des urines, morceaux de peau, mucus… L’ADN environnemental ayant, généralement, une faible durée de vie dans le milieu naturel, ces traces témoignent d’une présence récente de l’organisme qui les a laissées.

Un projet de réseau d’observatoires unique en Europe

Le projet ROME (Réseau d’Observatoires pour la recherche en Microbiologie Environnementale intégrée) se base sur 4 observatoires côtiers d’ADN environnemental. Il vise à étudier avec la nouvelle approche de l’ADNe les communautés de virus, bactéries et microalgues présentes sur les côtes, en particulier dans des estuaires. Le réseau s’intéresse aussi à l’évolution de ces populations au cours du temps et dans l’espace. Est-ce qu’elles se déplacent, se multiplient, se raréfient au niveau local, dans chaque estuaire et entre sites d’observation ? ROME s’intéresse en particulier aux espèces toxiques et pathogènes potentiellement émergentes sur nos côtes. Il est créé, géré et financé par l’Ifremer.

C’est le premier dispositif d’observation basé sur l’ADNe qui s’intéresse à la fois à la microbiologie, à la ressource aquacole et à la santé humaine, et qui soit organisé en réseau national. Il n’y a pas d’autre réseau de ce type en Europe.

Raffaele Siano
Ifremer | Coordinateur et pilote scientifique du réseau ROME

Comme dans les enquêtes policières, les scientifiques effectuent des prélèvements d’ADN, à la fois dans les eaux et dans les huîtres. À partir de ces échantillons, ils souhaitent identifier une grande variété de microorganismes présents dans l’eau, y compris les plus rares et ceux qui pourraient présenter des nouveaux dangers pour les humains ou pour les ressources conchylicoles, suite à des changements écosystémiques ou climatiques.

L’analyse des échantillons permet à la fois une recherche des espèces déjà connues et suivies par l’Ifremer, mais aussi un suivi plus exhaustif, sans a priori, pour recenser le plus grand nombre possible d’espèces présentes en comparant leur ADNe avec les séquences d’ADN enregistrées dans des banques de données.

Les données obtenues sont destinées à être rendues publiques, dans le respect des normes de traçabilité et d’interopérabilité.

Le réseau ROME en quelques chiffres

4

Sites d’échantillonnage

5

Équipes Ifremer impliquées

2 fois

par mois : prélèvement d’eau
1 fois par mois pour les huîtres

8 000

Données recueillies entre 2020 et 2023

Quatre sites ont été choisis dans un premier temps pour ce suivi innovant : la baie des Veys (Manche), la rade de Brest (Finistère), Marennes-Oléron (Charente maritime) et l’étang de Thau (Hérault). Ces sites sont choisis pour leur proximité avec des estuaires et des activités   aquacoles : pour étudier, le long du continuum terre-mer, l’impact des apports issus du continent, et les liens entre microorganismes, ressources aquacoles et santé humaine (approche (sidenote: One health Le concept « une seule santé » (One health, en anglais) consiste à appréhender les santés humaine, animale et végétale comme un tout, en intégrant les relations complexes qui les unissent, plutôt que de considérer la santé de ces trois groupes indépendamment des autres. ) ).

Pourquoi surveiller l’ADN environnemental sur le littoral ?

  1. Déterminer les nouveaux risques sanitaires pour les humains et l’aquaculture.

Le réseau ROME est complémentaire des réseaux de surveillance du phytoplancton et des microorganismes, qui ciblent les espèces déjà attendues. ROME vise à surveiller aussi les espèces rares ou invasives, qui pourraient se développer à cause du changement climatique. Par exemple, la microalgue toxique Ostreopsis, présente depuis les années 2000 en Méditerranée et depuis 2021 sur les côtes basques, a été plus récemment détectée à des abondances faibles dans le milieu du golfe de Gascogne grâce au réseau ROME. Un nouveau risque a ainsi été mis en évidence : des précautions ou des études préventives pourraient être envisagées grâce aux résultats de ROME

  1. Connaître l’état des écosystèmes

Ce suivi régulier de la biodiversité renseigne sur la santé des écosystèmes. Il informe aussi sur les impacts des rivières sur les écosystèmes au large par rapport aux écosystèmes côtiers. Ces informations sont importantes pour les services de l’Etat, comme l’Agence de l’eau ou l’Office français de la biodiversité, dans le cadre des directives européennes ( (sidenote: Directive cadre sur l’eau Directive qui établit, depuis 2000, un cadre pour une politique globale en Europe, pour « bon état des eaux » dans tous les États membres. ) , (sidenote: Directive cadre stratégie pour le milieu marin Depuis 2008, cette directive européenne donne un cadre d’action aux Etats membres pour maintenir ou restaurer un bon fonctionnement des écosystèmes marins tout en permettant l’exercice des usages en mer pour les générations futures. ) ).

Nous réfléchissons aussi, avec nos partenaires européens, à utiliser l’ADN environnemental pour d’autres stratégies d’appui aux politiques publiques, au-delà des connaissances académiques.

Raffaele Siano
Ifremer | Coordinateur et pilote scientifique du réseau ROME