Comprendre la formation et les conséquences des cyclones tropicaux

Cyclones, ouragans ou typhons, ces mots désignent le même phénomène : un événement extrême qui se forme sur la mer, en zone tropicale. Les cyclones ont de forts impacts sur l’océan, les organismes marins, l’atmosphère, les zones côtières… L’observation et la modélisation des cyclones tropicaux permettent aux chercheurs de l’Ifremer de mieux connaître leur fonctionnement et de mieux les anticiper. 

Qu’est-ce qu’un cyclone ?

Les cyclones sont des événements extrêmes qui se forment sur la mer, au-dessus des eaux chaudes tropicales. Ils ne se forment que dans les zones tropicales où les conditions sont propices : réservoir de chaleur océanique suffisant, convergence des vents, (sidenote: La force de Coriolis C'est une force qui dévie la trajectoire d'un corps à cause de la rotation terrestre. Elle provoque une déviation vers la droite dans l'hémisphère nord et vers la gauche dans l'hémisphère sud. Elle influe donc sur la direction générale des masses d'air et d'eau en mouvement.
Par exemple, c’est à cause de la force de Coriolis que les cyclones tournent dans le sens anti-horaire dans l’hémisphère nord et dans le sens horaire dans l’hémisphère sud.
)
permettant la formation de vortex, atmosphère assez humide et faible (sidenote: Cisaillement de vents Il y a cisaillement de vent lorsque la direction et la vitesse des vents sont différents entre deux points proches à des altitudes différentes. Cela provoque des changements brusques de vitesse ou de direction des vents. ) .

Les cyclones font jusqu’à 1 000 km de diamètre et 15 km de hauteur. Même si leur cycle de vie a lieu principalement en mer, ils peuvent, par leur taille et leurs conditions extrêmes, engendrer des dégâts importants sur les littoraux.

Swen Jullien
Ifremer | Chercheuse physicienne

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cyclones par an en moyenne dans le monde

Comment se forment les cyclones ?

Dans les zones dites de convergence intertropicale où l’environnement est propice, de nombreux petits vortex nuageux se forment. L’un de ces vortex peut éventuellement devenir un cyclone tropical s’il se développe assez pour s’auto-alimenter : les vents du cyclone extraient alors de la chaleur et de l’humidité par évaporation à la surface de l’océan. Cette humidité, lors de son ascension dans la colonne d’air, renforce les vents plus haut dans l’atmosphère. Ces vents en altitude vont à leur tour intensifier les vents en surface de l’océan et l’évaporation. Plus les vents sont forts, plus l’énergie extraite sera importante, et ainsi de suite. Le cyclone est alors au stade de cyclone mature.

Même en conditions propices, il n’y a pas toujours formation d’un cyclone

Les scientifiques connaissent les conditions nécessaires à la création et à la formation des cyclones, mais ces conditions ne sont pas toujours suffisantes pour qu’ils soient générés. Dans le monde de la recherche, il existe, à l’heure actuelle, encore plusieurs théories sur la genèse et l’intensification des cyclones. Lorsque tous les critères sont réunis, parfois aucun cyclone ne se forme.

C’est une des grandes questions à résoudre pour la prévision des cyclones !

Qu’est-ce qui modifie le cycle de vie des cyclones ?

Par leur interaction avec l’océan, avec d’autres vortex ou d’autres structures atmosphériques ou encore avec les îles ou les côtes qu’ils rencontrent, les cyclones subissent des perturbations de leur intensité et de leur trajectoire.

La formation, l’intensité et la trajectoire des cyclones sont également influencées par les (sidenote: Mode de variabilité Ce sont des fluctuations atmosphériques et/ou océaniques présentant une structure spatiale souvent fixe et une variation temporelle spécifique (évolution de sa structure, son amplitude et sa phase), sur une échelle assez grande (typiquement le bassin océanique). Ces influences observées sont associées à des variations du climat.Exemples de modes de variabilité naturelle : ENSO (El Niño-Southern Oscillation) , NAO (Oscillation Nord-Atlantique) les moussons, la variabilité des saisons normales, etc.Les modes de variabilité anthropique sont les influences de l’activité humaine sur les variations climatiques. ) naturelles (climat global) ou anthropiques (impact de l’activité humaine). Un des modes de variabilité naturelle les plus importants en zone tropicale est l’ (sidenote: ENSO L’ENSO (El Niño-Southern Oscillation) est un mode de variabilité naturelle avec des fluctuations océaniques et atmosphériques qui évoluent ensemble. Il est composé de deux phases, les années El Niño et La Niña (périodes de 4 à 7 ans). Lors des années La Niña les vents d’alizé, venant de l’est, vont être renforcés, à l’inverse, lors des années El Niño, ils seront moins forts. ) composé de deux phases :  El Niño et La Niña. Dans le Pacifique Sud, durant les années El Niño, la zone de convergence se déplace légèrement vers le nord et l’est, permettant la génération de cyclones qui peuvent toucher la Polynésie, alors que ce n’est pas le cas durant les années La Niña. 

L’évolution de l’intensité des cyclones au cœur des recherches de l’Ifremer

Alors que la prévision des trajectoires des cyclones s’est considérablement améliorée dans les dernières décennies, celle de leurs variations d’intensité reste plus incertaine. Ces variations d’intensité sont régies par une dynamique complexe dans la zone dite du « mur de l’œil du cyclone » : les vents passent de presque 0 km/h dans l’œil à plus de 200 km/h dans la zone de vent la plus intense à quelques dizaines de kilomètres de distance.

Lorsque le cyclone subit des perturbations, de petits vortex ou des ondes (de l’ordre du kilomètre) sont générées et peuvent se déplacer dans la zone du mur. Ces structures réorganisent et homogénéisent l’énergie au sein du cyclone afin de le stabiliser pour survivre aux perturbations et éventuellement se réintensifier. Grâce à des observations et simulations à haute résolution, les scientifiques de l’Ifremer analysent l’évolution rapide de ces petits vortex et ondes pour mieux comprendre leur incidence sur le fonctionnement des cyclones.

Simulation des vents autour de l’œil du cyclone. Les vents sont représentés graduellement du bleu (vents faibles) vers le rouge (vents très forts)

Observer pour mieux comprendre et prévoir les cyclones

Comment observer les cyclones ?

Les conditions extrêmes (300 km/h de vent et jusqu’à 15 m de vague au cœur du cyclone) rendent le déploiement d’instruments de mesure in-situ difficile.

Les premières observations historiques de cyclones ont été réalisées par avion dans les années 40. Les observations en bateau, très dangereuses, sont exclues. Dans les années 90, les mesures spatiales par satellite ont apporté une meilleure couverture des évènements cycloniques. Elles ont permis des avancées importantes sur leur fonctionnement et leur prévision. Au fil du temps et des avancées technologiques, la couverture satellitaire évolue et la caractérisation des cyclones s’améliore. 

Les équipes de l’Ifremer travaillent sur des projets internationaux en collaboration avec des programmes d’observation satellite (agence spatiale européenne, CNES, agence spatiale canadienne, agences spatiales américaines…). Elles contribuent à développer, valider et améliorer les algorithmes de traitement des mesures qui permettent de restituer les paramètres géophysiques au sein des cyclones. Elles travaillent également à l’amélioration de la couverture de ces évènements extrêmes en proposant de nouvelles stratégies d’observations pour certains satellites. 

L’Ifremer utilise aussi les données récoltées en surface ou dans l’eau, par des bouées fixes ou des instrument dérivants (comme les flotteurs ARGO) balayés par un cyclone.  Les équipes de l’Ifremer participent également aux réflexions sur le programme d’observation de l’océan du Système mondial d'observation de l'océan (GOOS).

Comment prévoir les cyclones ?

La prévision des cyclones est réalisée par des centres opérationnels de prévision dédiés (RSMC, Regional Specialized Meteorological Centers). Les centres utilisent un ensemble d’outils : des (sidenote: Modèle numérique de prévision météorologique C'est un système de simulation numérique visant à reproduire le comportement de l'atmosphère en résolvant numériquement des équations mathématiques qui régissent l’évolution des fluides géophysiques. Les modèles numériques de prévision météo permettent de prévoir l'état et l'évolution futurs de la météo. ) , les observations disponibles, une analyse d’experts et éventuellement des modèles statistiques. La modélisation numérique permet de représenter l’évolution de l’atmosphère et donc des cyclones.

Grâce aux simulations, les chercheurs peuvent étudier, caractériser et comprendre le fonctionnement des cyclones. En améliorant leurs connaissances du fonctionnement des cyclones, de leur évolution au cours du temps et de l’influence des modes de variabilité climatique sur leur présence, leur intensité et leur trajectoire, les chercheurs contribuent, à long terme, à l’amélioration des prévisions. 
Les chercheurs et les prévisionnistes peuvent également évaluer les observations manquantes pour mieux caractériser les évènements et proposer de nouvelles stratégies d’observation.

Plus il y aura de données récoltées sur toute la durée de vie des cyclones, plus il sera possible comprendre leur fonctionnement, de les modéliser et de les prévoir.

Comment les cyclones impactent l’océan et les écosystèmes marins ?

Un cyclone bouleverse l’océan et les organismes marins sur son passage.

Les conditions extrêmes des cyclones induisent un fort (sidenote: Brassage vertical de l'océan C'est un mélange vertical des eaux marines qui pousse l'eau de la surface (plus chaude) vers les profondeurs et, à l'inverse, fait remonter à la surface les eaux profondes (plus froide, et souvent plus chargées en éléments nutritifs). ) et une remontée d’eaux froides riches en nutriments vers la surface. Ainsi, après le passage d’un cyclone les conditions peuvent être favorables à l’apparition d’un bloom de phytoplancton et de la chaîne alimentaire qui s’ensuit. 

Les caractéristiques de l’océan, modifiées au moment du passage des cyclones, peuvent avoir un impact durable sur les flux (chaleur, CO2) et les écosystèmes à l’échelle des bassins océaniques, et un impact plus global sur le système climat.

Swen Jullien
Ifremer | Chercheuse physicienne

Sur le littoral, les conditions météorologiques extrêmes associées aux cyclones génèrent des dégâts importants : les vents violents peuvent endommager ou arracher les arbres et constructions ; les pluies diluviennes peuvent provoquer des inondations et des coulées de boue ; les surcotes (augmentation du niveau de la mer) générées par la dépression atmosphérique, les vents qui poussent l’eau vers la côte et les vagues qui déferlent, peuvent engendrer des submersions. Des travaux à l’Ifremer, dans le cadre de projets nationaux et internationaux, portent sur la caractérisation de cette vulnérabilité associée à l’impact des cyclones et sur la résilience des zones côtières et écosystèmes littoraux dans les territoires d’outre-mer.

Les conséquences des cyclones sur les récifs coralliens

Dans les zones peu profondes, les impacts sont importants car toute la profondeur de l’océan est touchée. Proches des zones côtières, les coraux peuvent être cassés ou abîmés. Les récifs coralliens mettent du temps pour se reconstruire. Une question majeure reste à résoudre : si les récifs deviennent plus fragiles, notamment à cause des épisodes de blanchissement, seront-ils aussi résilients face aux cyclones ?

Les cyclones sont-ils influencés par le changement climatique ?

Les cyclones dépendent des conditions environnementales, mais beaucoup d’incertitudes demeurent concernant leur évolution future. Plusieurs facteurs entrent en jeu, avec des effets qui peuvent s’opposer.

Swen Jullien
Ifremer | Chercheuse physicienne

L’augmentation globale des températures apporterait plus d’énergie aux cyclones, mais les changements d’organisation des vents de grande échelle (par exemple l’augmentation du (sidenote: Cisaillement de vents Il y a cisaillement de vent lorsque la direction et la vitesse des vents sont différents entre deux points proches à des altitudes différentes. Cela provoque des changements brusques de vitesse ou de direction des vents. ) ) diminueraient leur fréquence. Les cyclones sont des évènements difficiles à représenter dans les modèles climatiques tels que ceux du GIEC (ils sont petits par rapport à l’échelle du globe) et nécessitent des études régionales à une échelle plus fine avec une meilleure précision des calculs (de l’ordre de 1 km plutôt que de 100 km). Les études indiquent, à l’échelle globale, une tendance à l’augmentation de la violence des cyclones les plus forts et une augmentation des précipitations, mais une diminution du nombre de cyclones par an. Les cyclones étant des évènements « rares » en termes statistiques, il faut un grand nombre d’années pour pouvoir étudier leur évolution en prenant en compte toutes les variabilités possibles.