Blooms de phytoplancton : quand la mer devient mousseuse ou colorée

Phénomène d'eau colorée verte en baie de Vilaine - Prélèvements et échantillonnage d'eau depuis le zodiac

Phénomène d'eau colorée verte en baie de Vilaine - Prélèvements et échantillonnage d'eau depuis le zodiac.

Tâche verte, marron ou orange sur l’eau, zone riche en mucus visqueux ou mousseux… Lorsque la mer prend ces aspects surprenants, les responsables sont souvent des microalgues. Au printemps et en été, les microalgues marines peuvent proliférer rapidement, pour former des efflorescences. Ces phénomènes perturbent la vie marine et les activités humaines. L’Ifremer surveille ces proliférations et étudie la biologie des microalgues pour comprendre, voire anticiper ces phénomènes.

Qu’est-ce qu’une efflorescence algale ?

Au printemps et en été, les microalgues, des cellules végétales microscopiques, peuvent se multiplier rapidement pour former des efflorescences algales, appelées aussi blooms de phytoplancton. Ces phénomènes sont essentiels à la vie marine, mais peuvent aussi perturber la biodiversité ou les activités humaines. Ils peuvent durer quelques jours et disparaître rapidement, ou bien se prolonger pendant quelques mois.

Certaines microalgues sont colorées du fait des pigments qu’elles contiennent (par exemple, la chlorophylle qui leur donne une couleur verte). Lorsqu’elles sont nombreuses, l’eau de mer prend une teinte orange, vert, marron… D’autres provoquent l’apparition d’un mucus visqueux, ou d’une mousse abondante. Phaeocystis globosa, par exemple, est une microalgue qui vit en Manche et mer du Nord et qui forme des colonies collées par un mucus. À la fin du bloom, ce mucus est libéré et forme une mousse abondante et collante qui se répand en mer et sur le littoral.

D’autres microalgues sont repérables par les mortalités importantes de poissons et autres organismes marins qu’elles causent. Enfin, certaines microalgues ne causent pas de changements visibles à l’œil nu ! Ces phénomènes peuvent être fugaces dans le temps, localisés ou étendus sur plusieurs kilomètres. Ils peuvent aussi être déplacés par les courants. Difficile donc pour les scientifiques d’être présents au bon endroit au bon moment !

Des conséquences majeures pour les écosystèmes et les activités humaines

Ces blooms de phytoplancton perturbent les écosystèmes marins ainsi que la conchyliculture, la pêche, le tourisme… Quelques exemples des conséquences des blooms :

  • Certaines microalgues émettent des toxines qui peuvent être dangereuses pour les humains. Lors de blooms, ces microalgues sont consommées par les coquillages (huîtres, moules, palourdes…). La toxine s’accumule alors dans la chair de ces organismes qui deviennent impropres à la consommation. Ces efflorescences toxiques représentent donc un risque pour le consommateur. La filière conchylicole est ainsi fortement impliquée pour éviter ce risque.  
  • D’autres microalgues produisent du mucus qui peut asphyxier les coquillages. Que ce soit un mucus, comme chez la microalgue Lepidodinium chlorophorum, ou une mousse collante, comme chez Phaeocystis globosa, cette substance modifie la viscosité de l’eau, se colle aux branchies des animaux, forme une gangue autour des coquillages ce qui les asphyxie et diminue leur capacité de filtration (donc leur capacité à se nourrir). Cela peut ainsi causer d’importantes mortalités de petits poissons, d’huîtres, de moules… et impacter fortement la conchyliculture.
  • La mousse produite par la microalgue Phaeoscystis globosa présente un danger pour les professionnels de la mer, en adhérant sur les bateaux, les filets, les bottes des pêcheurs… Les grandes quantités de mousse (parfois jusqu’à 2 mètres d’épaisseur !) qui s’échouent sur les plages sont aussi une contrainte pour le tourisme, voire un danger pour les surfeurs. 
  • Dans certains cas, un bloom est suivi d’une anoxie, c’est-à-dire un manque d’oxygène. Lorsque les microalgues meurent, elles sont dégradées par des bactéries. Plus le bloom est important, plus ces bactéries vont proliférer : elles consommeront ainsi beaucoup d’oxygène pour leur respiration, ce qui diminue fortement l’oxygène disponible pour les autres espèces marines. Ceci cause alors un épisode de mortalité des poissons, crustacés, bivalves et autres organismes marins.

Comment observer un bloom ?

L’Ifremer effectue un suivi régulier des microalgues toxiques sur une vingtaine de sites du littoral de l’Hexagone, via ses réseaux de surveillance (le REPHY1, le REPHYTOX2, EMERGTOX3…). L’institut fait aussi appel aux citoyens, via le programme de sciences participatives Phenomer, pour être informé des apparitions d’eaux colorées, mousseuses, etc. Ces alertes par les citoyens permettent aux scientifiques à la fois de mieux connaître les blooms, mais aussi, dans certains cas d’intérêt scientifique, d’aller rapidement sur site pour effectuer des mesures et prélèvements complémentaires. 

Le suivi est effectué aussi depuis l’espace. Les images satellites peuvent détecter les fortes concentrations en chlorophylle-a, une molécule qui permet aux microalgues (et à de nombreuses autres plantes !) d’effectuer la photosynthèse. Une forte concentration en chlorophylle-a traduit la présence de microalgues en grandes quantités, c’est-à-dire un bloom.

Qu’est-ce qui provoque une efflorescence ?

La prolifération des microalgues est déclenchée par des conditions environnementales favorables : une eau suffisamment chaude, un ensoleillement fort et des éléments nutritifs à disposition (azote, phosphore…). Elle est souvent liée à l’eutrophisation des eaux côtières : ce déséquilibre des éléments nutritifs, causé par exemple par la pollution de l’eau (notamment l’arrivée d’azote issu du continent, via les fleuves), favorise l’apparition de blooms de microalgues.

L’Ifremer étudie la biologie des espèces concernées : dans quelles conditions environnementales peuvent-elles proliférer ? Quelles sont ses interactions avec les autres espèces du phytoplancton ? Ces recherches sont nécessaires pour disposer, à moyen terme, de prévisions des probabilités d’apparition d’un bloom lorsque les conditions environnementales adéquates sont réunies.

Chaque espèce a une niche écologique, c’est-à-dire une préférence de lumière, température, éléments nutritifs…

Mathilde Schapira
Ifremer | Chercheuse en écologie du phytoplancton

Étudier la biologie de chaque microalgue fournit aussi des éléments importants pour leur suivi. Par exemple, on sait que le dinoflagellé Dinophysis a besoin d’un autre organisme plus petit, le (sidenote: Protozoaire Les protozoaires sont des êtres vivants constitués d'une seule cellule eucaryote (c’est-à-dire pourvue d’un noyau, comme nos cellules et contrairement aux bactéries) et sans chlorophylle qui permet de pratiquer la photosynthèse (contrairement aux microalgues). Quelques exemples de protozoaires : les amibes, les paramécies, les foraminifères… ) Mesodinium rubrum, pour se développer. Dinophysis est toxique à très faibles concentrations, et Mesodinium rubrum colore les eaux en rouge. Surveiller les eaux colorées à Mesodinium rubrum pourrait permettre de mieux appréhender l'apparition de Dinophysis sur le littoral.

L’Ifremer s’intéresse aussi aux interactions entre les microalgues et les bactéries de leur micro-environnement, dont la diversité varie au cours du temps, notamment pendant et après un bloom. 

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