Science et bien-être animal
A l’Ifremer, les poissons, mais aussi les tortues, mollusques, crustacés et échinodermes, sont au centre de projets de recherche qui contribuent à une meilleure connaissance du vivant au bénéfice d’une meilleure conservation des espèces, ou encore au développement d’indicateurs sur l’état des populations et des écosystèmes marins pour orienter les politiques publiques en matière de pêche, de conservation ou d’aquaculture durable.
Pourquoi recourir aux animaux à des fins d’expérimentations dans la recherche scientifique ?
Pour mieux prendre en compte la sensibilité animale et répondre à une préoccupation forte de la société en faveur du bien-être animal, la recherche scientifique privilégie, dès qu’elle le peut, des méthodes d’expérimentation minimisant le recours aux animaux. Elle utilise par exemple des approches in vitro, basées sur la culture de cellules, ou in silico reposant sur des approches numériques.
Pour autant, aucune de ces méthodes ne suffit à elle seule pour déchiffrer le fonctionnement complexe du vivant. C’est pourquoi, le recours aux animaux à des fins de recherche (expérimentations in vivo) reste nécessaire dans certains cas, et s’inscrit alors dans un cadre réglementaire, compte-tenu des enjeux éthiques majeurs autour de cette problématique.
1 643 787 animaux en France concernés par l’expérimentation animale
- 64 % de souris
- 9 % de rats
- 9 % de lapins
- 7 % de poissons
- 11% d’autres espèces
Sources : Ministère de l’Enseignement Supérieur et de l’Innovation (Enquête statistique 2020 – publiée en 2021).
Un cadre réglementaire défini pour des enjeux éthiques forts
L’utilisation des animaux à des fins de recherche scientifique est soumise à une réglementation, qui s’applique aux niveaux européen et national.
Une directive européenne transposée au niveau français
La Directive Européenne 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques a été transposée en droit français et a conduit à la rédaction de la charte nationale sur l’éthique de l’expérimentation animale mise à jour en décembre 2014.
Les principes qui fondent cette réglementation sont inspirés de la règle des 3 R (remplacer, réduire, raffiner), élaborée en 1959.
La procédure d’autorisation d’une expérimentation
Elle requiert plusieurs volets de validation, selon les espèces (d’élevage ou sauvages) étudiées : auprès du ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de I ’Innovation (MESRI) dans le cadre d’une demande d’autorisation de projet utilisant des animaux à des fins scientifiques (APAFIS), et/ou du Conseil National de protection de la nature ; examen par des comités régionaux d’éthique indépendants des organismes de recherche ; installations ayant reçu l’agrément d’expérimentation animale par décision préfectorale intégrant une structure du bien-être animal ; formation obligatoire des personnels des installations expérimentales.
10 juillet 1976 : Première loi qui accorde à l’animal un statut d’être sensible et non d’objet
1986 : Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales
1986 : Directive européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (décret publié en France en 1987)
2010 : Révision de la Directive européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (transposition en droit français en 2013)
Les projets de recherche impliquant des animaux à l’Ifremer
Les espèces concernées
Parmi les espèces marines étudiées à l’Ifremer, seuls les poissons, les céphalopodes et les tortues marines sont soumis à la réglementation de la Directive Européenne 2010/63/UE et doivent, selon le type d’expérimentations envisagées, faire l’objet de demandes auprès du MESRI. Il est également nécessaire de recueillir l’avis de comités éthiques ad hoc. En revanche, pour les mollusques (bivalves, gastéropodes), crustacés (crevettes) et échinodermes (oursins, holothuries), espèces pour lesquelles la réglementation ne s’applique pas, l’Ifremer veille à respecter des principes de bientraitance des animaux, et à utiliser un nombre d’individus aussi limité que possible, tout en restant pertinent pour l’acquisition de données scientifiques valides.
Un engagement de transparence
L’Ifremer, comme d’autres organismes de recherche, est signataire de la charte de transparence sur le recours aux animaux à des fins scientifiques et réglementaires en France. Cette charte engage ses signataires à donner aux citoyens une information transparente sur les raisons et les conditions du recours aux animaux à des fins scientifiques dans les instituts de recherche. Un rapport annuel évalue les progrès réalisés en matière d’information du public.
Les méthodes alternatives privilégiées autant que possible
L’Ifremer s’attache à remplacer l’expérimentation animale par des méthodes alternatives comme le préconise la règle des 3 R. L’approche par cultures cellulaires a notamment été développée et utilisée dans le cadre de projets scientifiques pour mieux comprendre la réponse physiologique de poissons sous l’effet de changements du pH de l’eau de mer (acidification des océans) ou de l’exposition à des contaminants chimiques ; elle a ainsi permis de limiter l’expérimentation directe sur des animaux ou de limiter le nombre d’animaux utilisés.
Le rôle des structures de bien-être animal
Instaurées par la Directive européenne de 2010, les structures de bien-être animal (SBEA) ont été créées dans chaque établissement de recherche concerné par des travaux impliquant les animaux. Rattachés aux installations expérimentales, ses membres ont pour mission de veiller à des pratiques respectueuses envers les animaux concernés. Les personnels scientifiques de l'Ifremer sont formés à l'expérimentation animale de manière à pouvoir conduire leurs recherches dans le souci du bien-être des animaux et à réaliser des prélèvements éthiquement acceptables lors des campagnes en mer.
Quelques exemples d’espèces étudiées
Les tortues marines
L’Ifremer développe et déploie différentes balises pour suivre à la trace les déplacements des tortues dans l’ouest de l’océan Indien, un des principaux sites mondiaux de reproduction et de ponte des tortues vertes (Chelonia mydas) et imbriquées (Eretmochelys imbricata). Grâce à l’installation de ces dispositifs sur plusieurs individus, les scientifiques espèrent mieux comprendre la vie des tortues marine, y compris leurs différents habitats, car peu de connaissances existent encore dans ce domaine. Une telle expérimentation a pour objectif de contribuer à la mise en place de mesures de conservation efficaces pour ces deux espèces en danger, inscrites sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN).
Le bar
Le bar (Dicentrarchus labrax), espèce importante pour la pêche et l’aquaculture, est confronté à des stress multiples dans le cadre du changement climatique (augmentation de la température, acidification de l’océan, diminution de l’oxygène…). Dans leurs bassins, les scientifiques de l’Ifremer évaluent des critères comportementaux et physiologiques de bien-être du bar, qu’ils intègrent ensuite dans les pratiques expérimentales. En privilégiant les approches non invasives limitant le nombre d’animaux utilisés, ils étudient sur plusieurs générations, la robustesse et les capacités d’adaptation de cette espèce face aux modifications de leur environnement (projets ANR FISHNESS et H2020 SEAWISE). Ces travaux ont pour objectifs de prévoir l’évolution des populations de bars dans différents scenarii climatiques, pour une pêche plus respectueuse des écosystèmes, et d’identifier les populations les plus résilientes pour une aquaculture durable.
La daurade
Les ressources en poissons côtiers sont aujourd’hui sous-étudiées et les connaissances actuelles ne permettent pas de statuer sur l’état des populations et les effets du changement climatique pour ce type de poissons. Un volet important pour la gestion des ressources est de comprendre le déplacement des poissons et l’impact de la température sur leur physiologie. L’implantation de marques électroniques sur quelques spécimens est aujourd’hui la principale option pour obtenir ces informations. Dans le cas de la daurade royale (Sparus aurata) en Méditerranée, l’implantation de ces marques a permis de déterminer les seuils de tolérance de cette espèce à la température et de mieux comprendre l’utilisation de l’espace lagunaire, informations qui à terme permettront de proposer des mesures de gestion efficaces pour cette espèce.