Pourquoi le nombre de microplastiques à la surface des océans a-t-il été multiplié par 5 ?
Trois questions à François Galgani, océanographe spécialiste en science de l’environnement à l’Ifremer.
20 millions de tonnes de déchets issus des continents terminent dans la mer chaque année : parmi eux, 8 à 18 millions de tonnes sont des plastiques. Non biodégradables, ils ne disparaissent pas dans la nature mais se fragmentent en microplastiques, de taille inférieure à 5 mm.
Un article scientifique publié aujourd’hui avec l’appui de l’Ifremer montre que les microplastiques à la surface de l’eau sont 5 fois plus nombreux qu’on pensait dans l’océan au niveau mondial.
À quoi cette multiplication des microplastiques dans les océans est-elle due ?
Cette nouvelle étude chiffre la quantité de microplastiques dans les océans à 24 400 milliards de fragments, représentant un poids de 82 à 578 000 tonnes. La précédente estimation à cette échelle mondiale datait de 2014, et les quantités étaient largement sous-évaluées.
C’est surtout une question de méthode d’évaluation : seulement 1000 échantillons avaient été pris en compte, contre 8200 aujourd’hui.
Alors, risque-t-on d’avoir de nouvelles surprises dans 5 à 10 ans ?
C’est justement l’objectif de cette étude internationale : bâtir une base de données utilisable pour suivre l’évolution des microplastiques dans le temps. La portée scientifique est donc beaucoup plus large, avec une utilisation plus étendue par exemple pour les Nations-Unies.
Mais on n’est pas à l’abri d’une nouvelle sous-estimation du phénomène. Les efforts scientifiques ont été décuplés depuis 20 ans pour mieux connaitre cette pollution. Il y a du coup un effet presque mathématique : plus on en cherche, plus on en trouve.
Le congrès mondial pour la nature se tient en ce moment même à Marseille. Est-ce que ces nouveaux chiffres changent la donne sur la pollution plastique?
Oui, ces chiffres sont un changement d’échelle important : ils confirment que les microplastiques sont un problème de pollution d’ampleur majeure, et il faudra réévaluer à la hausse les impacts sur la faune et la flore. D’autant plus que les microplastiques à la surface de l’eau ne sont que la partie émergée de l’iceberg, car 95% de cette pollution finit sur le fond.
Vu la quantité de déchets déversés chaque année en mer, il est urgent de réduire ce flot ininterrompu en limitant nos déchets et en améliorant le recyclage. Le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas.