Le coronavirus SARS-CoV-2 peut-il circuler dans l’environnement ?
Trois questions à Soizick Le Guyader, virologiste et responsable du laboratoire Santé environnement et microbiologie de l’Ifremer à Nantes.
Dans le cadre du projet européen VEO « Observatoire polyvalent des maladies infectieuses émergentes », Soizick Le Guyader et son équipe démarrent des travaux sur la circulation des virus émergents dans l'environnement. Hasard de calendrier, ce projet coordonné par une équipe néerlandaise a débuté quelques semaines avant la pandémie. Les chercheurs des 12 pays européens impliqués ont donc décidé dans un premier temps d’axer leurs travaux sur le virus SARS-CoV-2 responsable de la maladie covid-19.
Le SARS-CoV-2 peut-il être présent dans l’eau et contaminer l’environnement marin ?
Nous manquons d’informations sur le devenir du coronavirus dans l’environnement marin, car son apparition est récente. Nous savons toutefois que ce virus « enveloppé » est assez fragile et qu’il est peu excrété dans les selles des personnes infectées. Le risque qu’il se dissémine via les eaux usées est donc réduit. Deux publications ont néanmoins rapporté la détection du SARS-CoV-2 dans des eaux usées au Pays-Bas et dans le réseau d’eau non potable de Paris. L’Ifremer a donc décidé d’investiguer pour savoir si ce virus peut être retrouvé jusqu’à la mer.
Comment allez-vous évaluer ce risque de contamination ?
Nous avons d’ores et déjà reçu les prélèvements de deux stations d’épuration : l’une urbaine, l’autre proche du littoral. Des prélèvements de coquillages sont également prévus. Nous affinons actuellement notre protocole de recherche du SRAS-CoV-2 afin d’assurer la fiabilité de nos analyses. Ce protocole par PCR1 est semblable à celui utilisé pour le dépistage des patients. Il permet de détecter le génome du virus et de mesurer la quantité totale d’ARN2 viral présente dans les échantillons.
Peu de gens savent que l’analyse des eaux usées donne une image « fidèle » de la diversité des microorganismes (dont les virus) présents dans la population. C’est un moyen intéressant, et complémentaire du dépistage, pour estimer la part de la population infectée et le niveau réel de circulation du virus dans un territoire.
Si vous trouviez de l’ARN viral dans les eaux usées ou dans les coquillages, que feriez-vous ?
L’urgence serait alors de savoir si cet ARN viral est lié à la présence de virus entiers infectieux ou de fragments inoffensifs pour la santé issus de la dégradation du virus dans les eaux usées ou dans le milieu marin. Pour cela, l’Ifremer collaborerait avec des partenaires extérieurs — notamment l’Institut Pasteur et le laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) — équipés de laboratoires hautement sécurisés. Si des virus infectieux étaient détectés, nous chercherions à savoir combien de temps ils pourraient rester actifs et potentiellement contaminer l’eau et les coquillages.