Que sont les nodules polymétalliques ?
Ce sont de gros galets, qui mesurent généralement entre 5 et 10 cm de diamètre. On les appelle aussi nodules de manganèse. Ils sont localisés à la surface du sol des plaines abyssales , entre 4 000 m et 6 000 m de profondeur. Ils se forment par précipitation des métaux dissous dans l’eau de mer, en premier lieu du manganèse et du fer, mais également d’autres métaux tels que le cobalt, le nickel, le cuivre, dans des couches concentriques autour d’un noyau (fragment de roche, dent de requin…). Ces nodules métalliques grandissent de quelques millimètres par dizaine de milliers d’années (en comparaison, les continents bougent de plusieurs centimètres par an).
Une grande diversité d’espèces animales
Pas de plantes, que des animaux
À ces profondeurs, pas de lumière. En l’absence de photosynthèse, la vie dépend des plantes et animaux qui tombent depuis la surface. Seuls 1 à 5% de ce qui est produit en surface atteint ces grands fonds. Des crustacés, des (sidenote: Échinodermes Les échinodermes forment un groupe d’animaux marins qui se distinguent par l’organisation de leur corps en cinq parties symétriques. Les étoiles de mers, les ophiures, les oursins, les crinoïdes et les holothuries (concombres de mer) sont des échinodermes. ) , des vers marins et parfois des bivalves vivent sur le fond ou enfouis dans les sédiments superficiels du fond marin.
Les chercheurs de l’Ifremer ont participé en 2016 à une étude internationale. Ils ont montré que les zones à nodules sont plus riches en biodiversité que les zones environnantes des abysses ! Un résultat à prendre en compte si des États ou des industriels souhaitent exploiter ces sources de métaux.
L’Ifremer les étudie grâce à ses sous-marins
L’exploration débute par des reconnaissances à l’aide de sondeurs, installés sur des navires de recherche ou sur des engins autonomes. Puis les scientifiques prennent des photos à haute résolution de ces fonds marins, à l’aide de sous-marins scientifiques robotisés qui « volent » près du fond à vitesse réduite. Les chercheurs peuvent ainsi identifier les espèces qui vivent sur le fond océanique et répertorier l’abondance des nodules. La diversité est grande mais les animaux sont peu nombreux. Ceci pose des questions aux chercheurs : par exemple, comment se reproduisent-ils s’ils sont si éloignés les uns des autres ? Avec le Nautile, les scientifiques peuvent descendre en profondeur pour prélever directement de la faune, des nodules ou des (sidenote: Carotte de sédiment C’est un échantillon de sol sous-marin, prélevé à l’aide d’un carottier envoyé au fond depuis un navire de recherche. Ce carottier permet d’extraire une « carotte », souvent cylindrique : un tube de sol sous-marin long de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres de longueur. ) . Celles-ci seront triées et examinées au laboratoire. Les géologues étudient les compositions chimiques et minéralogiques des sédiments, les biologistes y font l’inventaire de la faune.
90%
des espèces rencontrées dans cette zone sont nouvelles pour la science
Des ressources qui intéressent l’industrie minière
Ces nodules sont constitués en majorité de manganèse et de fer. Ils contiennent aussi d’autres éléments comme le silicium ou l’aluminium, mais leur intérêt vient aussi de leur richesse en certains métaux stratégiques, comme le cobalt, le nickel ou le cuivre. Dans un contexte international de hausse de la demande en métaux pour les nouvelles technologies et les énergies vertes (batteries, aimants permanents…) et de tensions géostratégiques, l’intérêt de ces nodules est mis en avant. À l’heure actuelle, aucune exploitation n’existe, mais certains industriels et États envisagent cette possibilité à moyen terme, accentuant la nécessité d’étudier la biodiversité de ces milieux.
L’Autorité internationale des fonds marins attribue aux pays des contrats d’exploration dans les eaux internationales. Pour la France, il s’agit d’une étendue de 75 000 km² dans la zone de Clarion-Clipperton, située dans le Pacifique nord entre le Mexique et Hawaï. La zone de Clarion-Clipperton couvre 9 millions de km² et pourrait contenir jusqu’à 34 milliards de tonnes de nodules, dont environ 340 millions de tonnes de nickel, et 275 millions de tonnes de cuivre.
Les impacts de l’exploitation des nodules polymétalliques sont encore mal connus
Ces milieux étant difficiles à étudier, leur biodiversité et leur fonctionnement sont encore mal connus. Il est donc d’autant plus difficile d’anticiper les effets d’une exploitation minière. Dans les années 70, des tests de collecte ont été réalisés avec des prototypes d’engin d’exploitation. Des études récentes ont montré que dans ces zones perturbées, la faune reste très différente des zones non impactées. La biodiversité n’a pas retrouvé son état initial, même plus de 40 ans après les tests. En 2021, l’Ifremer a participé avec d’autres partenaires européens au suivi environnemental de tests de collectes de nodules sur une zone très réduite. L’évaluation des effets prendra plusieurs années. L’Ifremer étudie la zone d’impact, mais aussi les alentours : les scientifiques souhaitent connaître jusqu’à quelle distance les nuages de sédiments soulevés lors de la récolte peuvent impacter la biodiversité environnante.