Quelles ressources énergétiques renouvelables peut fournir l’océan ?

Face à la nécessité de décarboner la production d’énergie, les énergies renouvelables marines (EMR) ont un grand potentiel de développement. L’Ifremer accompagne cet essor, notamment en faisant progresser les connaissances sur la ressource naturelle en vent, courants marins et vagues. L’institut s’intéresse aussi aux phénomènes d’échelles fines : turbulences locales, influence des implantations EMR voisines, etc.

Quelles sont les énergies renouvelables de l’océan ?

Vent, vagues, courants… l’océan est un grand réservoir d’énergies renouvelables. La récupération de ces sources d’énergie est un levier de la transition écologique nécessaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. L’essor des énergies marines renouvelables (EMR) nécessite à la fois des développements technologiques et une meilleure connaissance de la ressource : où les vagues, les courants, les vents sont-ils assez forts ? Sont-ils réguliers au cours de l’année ? Des turbulences locales peuvent-elles freiner la production, voire endommager les structures ?

Les sources d’énergie renouvelable de l’océan sont nombreuses, de l’énergie éolienne à l’énergie marémotrice, en passant par l’énergie thermique. Parmi les ressources, les trois les plus en vue pour une exploitation de production électrique, et les plus étudiées à l’Ifremer, sont :

  • Le vent : il peut être capté par des éoliennes en mer, fixées ou flottantes.
  • La houle : l’énergie des vagues peut être récupérée par des dispositifs houlomoteurs (par exemple Dikwe, développé avec l’appui de l’Ifremer).
  • Les courants marins : leur énergie peut être captée par des hydroliennes.

Pourquoi quantifier les ressources énergétiques de l’océan ?

Anticiper l’implantation d’un site d’énergies renouvelables en mer nécessite de connaître les conditions de vent, vagues et courants. Ceci à la fois pour évaluer les capacités de production du site, mais aussi pour concevoir des systèmes résistants aux conditions de mer. 

Pour évaluer les vents, courants et vagues sur un site en mer, les scientifiques de l’Ifremer utilisent à la fois des données de mesures in-situ et satellitaires et des données issues de modèles numériques. Ces modèles sont les mêmes que ceux employés pour l’océanographie opérationnelle, développés depuis les années 1990 et qui, régulièrement améliorés, fournissent des données de plus en plus précises.

Connaître le vent au km/h près

L’Ifremer produit des études pour aider les développeurs de dispositifs d’énergies marines renouvelables à mieux connaître le site sur lequel ils envisagent une implantation : sa variabilité spatiale à petite échelle, sa variabilité temporelle fine, sa variabilité annuelle et saisonnière. Par exemple, une différence de 4 km/h de la vitesse moyenne du vent engendre une différence d’environ 15 €/MWh sur le prix de référence de l’électricité (soit jusqu’à 25% du prix du MWh).

La variabilité des vents, vagues et courants aux petites échelles est induite par exemple par les phénomènes de turbulence. Ces phénomènes à petites échelles peuvent avoir une forte influence sur l’efficacité et la résistance des convertisseurs d’EMR et donc impacter le modèle économique des développeurs de dispositifs d’EMR. Par exemple, des différences de vitesse d’écoulement (courant ou vent) entre le haut et le bas des pales d’une hydrolienne ou d’une éolienne créent une torsion, de la fatigue sur la structure. 
L’Ifremer évalue aussi la ressource sur le long terme : en faisant « rejouer » au modèle numérique les années passées, les chercheurs peuvent évaluer la variabilité saisonnière et interannuelle des ressources.

Intégrer houle, vent, courants pour faciliter la décision

L’Ifremer développe aussi des outils permettant une approche intégrée, combinant des bases de données vent, vagues, courants produites à l’aide des modèles numériques et des méthodes d’analyse statistique. L’objectif est de permettre aux développeurs de mieux caractériser les conditions sur le site et ainsi faciliter leur prise de décision. 

Évaluer le risque face aux événements extrêmes

Lorsque sur un site étudié, les scientifiques ne disposent que de 20 ou 30 ans de données, comment s’assurer qu’ils ne passent pas à côté d’un événement centennal ? La prise en compte des événements centennaux est une obligation légale. C’est aussi une préoccupation majeure pour les constructeurs, qui doivent prévoir la résistance de leur structure à ces événements.

Nous nous basons sur des modèles probabilistes qui sont dédiés à l’extrapolation, pour étudier ces phénomènes extrêmes.

Nicolas Raillard
Ifremer | Chercheur en méthodes statistiques pour l’océano-météo

Anticiper les effets du changement climatique

Le changement climatique peut causer des modifications des conditions environnementales. Ceci peut avoir un effet sur la ressource en énergie, en modifiant les régimes de vents, de courants, etc. Les scientifiques étudient aussi les effets du changement climatique sur les événements extrêmes : par exemple des tempêtes plus fréquemment fortes. La variation du niveau de la mer peut aussi avoir des conséquences sur les structures : par exemple, les vagues peuvent se mettre à atteindre des zones qui n’étaient pas conçues pour leur résister, etc. Les modélisations sont un outil précieux pour concevoir des structures d’EMR adaptées aux conditions océaniques de demain.

Si les événements extrêmes sont plus nombreux ou plus violents, cela peut conduire les développeurs à changer le design ou le dimensionnement des structures.

Nicolas Raillard
Ifremer | Chercheur en méthodes statistiques pour l’océano-météo

Prendre en compte les effets des structures voisines

L’institut évalue aussi comment la ressource est impactée par l’implantation d’un site de production. Au sein d’un site de production d’EMR, par exemple une ferme hydrolienne, la manière dont les différentes hydroliennes sont agencées est cruciale. Il faut tenir compte de l’« effet de sillage » qui crée des turbulences locales derrière un dispositif. L’Ifremer aide les professionnels à qualifier ces effets de sillage pour implanter les dispositifs de manière cohérente les uns par rapport aux autres.

L’institut réalise des tests dans ses bassins expérimentaux de Brest et Boulogne ainsi que sur son site d’essai en mer de Sainte-Anne-du-Portzic, pour observer et mesurer les effets de sillages des dispositifs, dans diverses conditions de mer. L’institut complète ce travail expérimental par des modélisations numériques en hydrodynamique. L’Ifremer permet aux professionnels de la filière de tester des modèles réduits de leurs dispositifs. Ses équipes accompagnent les projets selon leur maturité en précisant les risques et incertitudes des phénomènes naturels : études théoriques, études en bassin, études in-situ sur des sites pilotes avec suivi et intégration des conditions environnementales. 

Développer des co-activités

L’espace disponible en mer pour les différentes activités humaines est limité. L’Ifremer étudie la pertinence et la faisabilité de coupler les activités sur un même site, par exemple la pêche ou la conchyliculture avec la production d’énergie. Ces sujets, qui comportent de nombreux enjeux, n’en sont qu’à un premier stade de réflexion.