Le homard européen insensible au champ magnétique des câbles électriques sous-marins ?
Des enjeux environnementaux et économiques
Les premiers parcs éoliens offshores commerciaux verront bientôt le jour en France Leurs potentiels impacts environnementaux sont plus que jamais au cœur des préoccupations. Parmi les questionnements citoyens et scientifiques, figure l’effet du champ magnétique produit par le câble d’export de courant sur les organismes marins. Pour répondre à cette interrogation, une expérimentation innovante a été réalisée par des scientifiques de France Energies Marines et de l’Ifremer, en collaboration avec l’Institute of Marine Research de Norvège.
L’animal choisi pour cette étude est le homard européen, une espèce des fonds marins à fort enjeu économique et écologique. Il a été démontré que des espèces voisines (langouste, écrevisse) étaient sensibles aux modifications du champ magnétique. Plusieurs suivis scientifiques ont également montré que le homard européen fréquente assidûment les corridors des raccordements électriques de plusieurs projets d’énergies marines renouvelables car les tabliers de protection en béton des câbles constituent pour eux des abris.
Deux hypothèses : sensible ou indifférent ?
L’expérimentation a été menée sur des juvéniles de homard éclos depuis 3 semaines et d’une taille d’environ 1 cm. Il s’agit d’un stade sensible du cycle de vie de ces animaux qui, jusqu’à maintenant, n’avait jamais été étudié concernant l’effet d’un champ magnétique. Celui généré par les câbles d’export a été reproduit à l’aide d’un dispositif conçu par la PME bretonne MAPPEM Geophysics : deux bobines de 600 m de fils électriques permettent le passage d’un courant alternatif ou continu. La valeur de champ utilisée, 200 μTesla, correspond à une intensité mesurée et modélisée à un mètre de certaines interconnexions de très grande puissance (1 GW). A titre de comparaison, la valeur retrouvée à un mètre d'un câble d'export de parc éolien offshore d'une puissance de 500 MW devrait se situer entre 10 et 50 μTesla.
Dans la première phase de l’expérimentation, le but était de déterminer si les juvéniles étaient attirés, repoussés ou indifférents à ce champ magnétique. Lors de la seconde phase, l’objectif était d’étudier les effets d’une exposition de 7 jours à ce même champ magnétique sur la mortalité ainsi que sur le comportement naturel de l’animal, et notamment sa capacité à trouver un abri. Le comportement des homards a été suivi par vidéo de manière à ce que l’expérimentateur ne perturbe pas le dispositif expérimental.
Des résultats clairs et rigoureux qui lèvent les premières craintes
Premier point très important : aucune mortalité n’a été constatée chez les juvéniles durant l’expérimentation. Second résultat majeur : l’analyse des enregistrements vidéo indique clairement que les animaux ne sont ni attirés ni repoussés par le champ magnétique et surtout, que leur comportement exploratoire pour trouver un abri, et donc se protéger des prédateurs, n’est pas modifié pour l’intensité de champ magnétique testée. Ces résultats viennent d’être publiés dans le numéro 220 de la revue scientifique Aquatic Toxicology. Ils apportent de premières informations objectives et étayées sur le homard dans un domaine où les données expérimentales restent rares.
Impact of magnetic fields generated by AC/DC submarine power cables on the behavior of juvenile European lobster (Homarus gammarus)
Un contexte scientifiquement et techniquement riche
Cette expérimentation a été menée dans les installations de l’Institute of Marine Research, en étroite collaboration avec plusieurs chercheurs de cette entité norvégienne de recherche. Elle s’inscrit plus largement dans le projet de R&D collaboratif SPECIES (2016-2020). Celui-ci vise à améliorer les connaissances sur les interactions potentielles entre les câbles de raccordement électrique des projets d’énergies marines renouvelables et les organismes vivant sur les fonds marins. Coordonné par France Energies Marines et piloté scientifiquement par l’Ifremer, le projet fédère un consortium de 9 partenaires académiques et privés aux compétences et aux contributions complémentaires. Des discussions auront lieu au sein du consortium au printemps afin de définir la suite à donner au projet.