Expédition OceanoScientific 2020 à la voile : l’empreinte des contaminants en Méditerranée
Naviguer pour la science et la préservation de l’Océan
Comme chaque année depuis 2006, le skipper Yvan Griboval, président de l’association Oceanoscientific, prend la barre d’expéditions à la voile, destinées à collecter des données océanographiques qu’il met ensuite gratuitement à la disposition de la communauté scientifique internationale. Son objectif : sensibiliser le plus grand nombre à l’impérieuse nécessité de préserver l’Océan.
Pour sa campagne 2020, il a mis le cap sur la Méditerranée pour traquer la nature et la concentration des contaminants organiques et métalliques présents tout au long d’un périple de 1500 miles (2800 km), ponctué d’escales à Monaco, Porto-Cervo (Italie), Barcelone (Espagne), La Seyne-sur-Mer. Un défi réalisé à bord d’un bateau mythique, l’ex Club Med, vainqueur de The Race 2000, la première course autour du monde en multicoque en équipage et sans escale !
L’Ifremer partenaire scientifique
Pour la préparation scientifique de cette expédition, OceanoScientific s’est adossée à deux laboratoires de l’Ifremer : le laboratoire "Environnement Ressources Provence Azur Corse" et le laboratoire "Biogéochimie des Contaminants Métalliques". L’Ifremer a notamment aidé à baliser l’itinéraire du maxi-catamaran afin d’identifier les lieux de prélèvements les plus judicieux mais a également prêté ses échantillonneurs passifs, une technique innovante de prélèvement que l’Ifremer a été le premier à utiliser en milieu marin dans le cadre de programmes de surveillance.
Trois deltas sous surveillance
« Pour établir le plan d'échantillonnage, détaille Jean-Louis Gonzalez, chercheur au Laboratoire Biogéochimie des contaminants métalliques de l’Ifremer à la Seyne, nous avons privilégié l’embouchure des 3 grands deltas de la Méditerranée occidentale : le Tibre (Italie), l’Ebre (Espagne) et le Rhône. L’idée était d’avoir une indication sur les contaminants qui abondent la Méditerranée, déversés en mer par ces 3 importantes sources, charriant dans leurs eaux des apports continentaux en provenance de mégapoles européennes majeures». Neuf autres points de prélèvement répartis au cours de la navigation vont venir compléter ce jeu de données.
Les contaminants pris au piège
« S’agissant des techniques d'échantillonnage passif, ce sont des techniques « tout terrain » qui ont été choisies pour contourner les deux difficultés majeures rencontrées lorsque l’on réalise des mesures en milieu marin : le phénomène de dilution (les contaminants sont à l'état de "traces") et le sel qui masque la détection des contaminants », explique le chercheur de l’Ifremer.
Les polluants recherchés sont les contaminants organiques (hydrocarbures, polychlorobiphényles (PCB), tributylétains (TBT), pesticides…) extraits et quantifiés par la technique SBSE (Stir Bar Sorptive Extraction) réalisée sur un prélèvement d'eau, mais aussi les métaux lourds (plomb, cadmium, nickel, mercure…) concentrés in situ par des échantillonneurs passifs placés à l’embouchure des fleuves sur des bouées de balisage à environ 1m50 sous la surface de la mer. Ces « éponges » à contaminants métalliques resteront immergées jusqu’en novembre le temps d’emmagasiner des quantités de substances suffisantes pour assurer la fiabilité des analyses. « Par rapport aux techniques classiques, cette méthode dite DGT (Diffusive Gradient in Thin film) possède un gros avantage: elle permet une extraction et une concentration des polluants in situ, ce qui la rend particulièrement simple d’utilisation », pointe Jean-Louis Gonzalez.
Dresser un panorama de la pollution
Ces échantillons seront débarqués ce mercredi 28 octobre dans la darse du port de La Seyne-sur-Mer et remis en main propre aux chercheurs de l’Ifremer pour traitement et interprétation des résultats, en lien avec le CEDRE pour les polluants organiques.
« Grâce à cet échantillonnage dans la durée, nous pourrons dresser un panorama plus exhaustif de la contamination chimique en Méditerranée, pour laquelle assez peu de données sont disponibles actuellement » se félicitent les scientifiques de l’Ifremer.