De la côte au large, quel est l’état du milieu marin ?
Une très grande partie de la pollution des océans vient de la terre. Le milieu côtier est le plus affecté car il concentre de nombreuses activités humaines (pêche, élevages marins, loisirs, etc.) et on y retrouve des substances et des déchets drainés depuis l’intérieur des terres par les fleuves et rivières. Les écosystèmes marins côtiers fournissent également les ressources nécessaires à de nombreuses espèces pour qu’elles puissent se nourrir, croître et se reproduire.
L’évaluation des impacts des activités humaines sur le milieu marin, à laquelle participent les scientifiques de l’Ifremer, a permis de mettre en place des actions publiques qui portent leurs fruits : depuis 30 ans, certains aspects du milieu marin s’améliorent, suite à la mise en œuvre par exemple de réglementations d’utilisation de certains contaminants chimiques. Néanmoins, des pollutions nouvellement identifiées s’ajoutent aux pressions plus anciennes, et le milieu côtier continue de payer un lourd tribut aux activités humaines.
Baisse de la fréquence des épisodes d’eutrophisation
Aujourd’hui, plus de 98% du littoral métropolitain est considéré en bon état écologique vis-à-vis des proliférations d’algues (eutrophisation). Depuis trente ans, on constate une réduction des apports en nutriments dans le milieu marin. Et en conséquence, depuis les années 2000, les efflorescences de microalgues sont de moins en moins nombreuses, en particulier dans la Manche et le nord du golfe de Gascogne.
Le problème de l’eutrophisation n’est cependant pas résolu, surtout dans la partie côtière où des points de vigilance demeurent. On continue d’observer des efflorescences de microalgues entre les embouchures de la Seine et de la Somme et dans les estuaires de la Loire et de la Vilaine, ainsi que des échouages d’algues vertes dans plusieurs baies du nord de la Bretagne.
Diminution de la contamination chimique depuis près de 50 ans
Depuis près de 50 ans, l’Ifremer surveille annuellement les concentrations de certains composés chimiques réglementés, ce qui a mis en évidence une diminution globale des concentrations de certains contaminants chimiques historiques. Cependant, des problèmes de pollution demeurent localement, notamment aux alentours des métropoles, des grandes stations d’épuration et dans les estuaires des fleuves. On y retrouve des contaminants anciens qui persistent, comme le tributylétain (TBT, utilisé comme pesticide ou antifouling) ou les métaux lourds, mais également des polluants nouvellement réglementés et ajoutés à la liste des molécules surveillées, comme le perfluorooctane sulfonate (PFOS) utilisé comme imperméabilisant jusqu’en 2009.
De plus en plus de déchets, de la surface jusqu’aux fonds marins
Les déchets constituent une pollution persistante en mer. On les retrouve dans l’ensemble du milieu marin, y compris dans des zones que l’on pensait mieux protégées des impacts des activités humaines comme les canyons sous-marins. Les plastiques représentent 78% des déchets en mer, devant les engins de pêche, les céramiques et verres, les métaux ou encore les textiles. Pour l’essentiel d’origine terrestre, les sources de ces pollutions sont parfois difficiles à identifier.
La surveillance du milieu marin est en constante évolution
Les scientifiques de l’Ifremer adaptent également leurs recherches pour mieux identifier les nouvelles pressions et améliorer leurs diagnostics sur l’état du milieu marin. Cela est notamment le cas de la surveillance des contaminants chimiques, puisque la liste des polluants est en constante évolution.
Mesurer les impacts des contaminants chimiques sur la faune marine
Pour mieux comprendre les effets de l’exposome chimique, c’est-à-dire l’ensemble des molécules présentes dans le milieu, des scientifiques de l’Ifremer suivent depuis 2017 des espèces sentinelles, comme la moule ou la sole, à la recherche des conséquences physiologiques de la contamination chimique du milieu. Dans la baie de Seine par exemple, ils ont mis en évidence l’impact sur les soles des contaminants présents dans l’environnement, en particulier sur leur système nerveux, la fragilité de leur ADN, et leur état de stress physiologique et cellulaire.
Accroître la surveillance des polluants persistants
Depuis 2010, l’Ifremer suit, avec le programme Veille POP (Veille sur les nouveaux polluants organiques persistants dans les mollusques marins) financé par l’Office français de la biodiversité (OFB), plus de 100 composés chimiques qui s’accumulent dans les organismes vivants. Les analyses mettent en évidence une contamination globale du littoral métropolitain, et en particulier par les composés perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés (PFAS, utilisés notamment comme antiadhésifs et imperméabilisants) et les esters d’organophosphate (OPE ou retardateurs de flamme phosphorés ou organophosphorés). En 2020 par exemple, la majorité des contaminants étudiés ont été détectés dans plus de 75 % des prélèvements réalisés. Certains contaminants ont cependant été réglementés, comme les retardateurs de flamme bromés hexabromocyclododécanes (HBCDD) et les polybromodiphényléthers (PBDE) utilisés dans les plastiques, les textiles, les mousses d’isolation thermique, l’électronique, et les équipements domestiques comme ignifugeants : on assiste alors à leur diminution dans le milieu marin au cours des dix dernières années.
Révéler les nouveaux contaminants sur le continuum terre-mer
Depuis 2020, le projet Emergent’Sea (Ifremer, unité mixte de recherche EPOC et Office français de la biodiversité) recherche sur le littoral métropolitain des traces de 22 contaminants métalliques et 102 substances organiques, réunissant des pesticides mais aussi des substances pharmaceutiques et des plastifiants. A l’issue du projet, en 2024, les composés jugés pertinents à l’échelle nationale ou régionale seront proposés pour intégrer une surveillance réglementaire.