Campagne océanographique CROSSROAD : vital pour le climat mondial, le courant océanique AMOC ralentit-il sous l’influence du changement climatique ?
La campagne océanographique CROSSROAD, financée en partie par l’ANR (Agence nationale de la recherche), s’inscrit dans le cadre du projet européen EPOC (Explaining and predicting the ocean conveyor) dont l’objectif est de comprendre le fonctionnement de la circulation méridienne de retournement Atlantique (AMOC), son évolution passée et future, ainsi que son impact sur le climat.
L’AMOC est un ensemble de courants complexes dont le Gulf Stream et le courant du Labrador comptent parmi les plus connus. Il transporte les masses d’eaux chaudes – situées entre la surface et 1000 m de profondeur – de l’équateur vers le nord de l’océan Atlantique. Au contact de l’atmosphère très froide des hautes latitudes, ces masses d’eaux se refroidissent, deviennent plus denses et plongent alors vers les abysses avant de retourner vers l’Atlantique Sud et l’océan Austral. Cette circulation est souvent représentée de façon schématique comme un tapis roulant qui transporte de la chaleur du sud vers le nord mais aussi des nutriments, du carbone et de l’oxygène. Elle influence ainsi l’écosystème océanique et le climat des continents qui bordent l’Atlantique. La différence de densité de l’eau de part et d’autre de l’Atlantique est l’un des moteurs de l’AMOC et le réchauffement des pôles ou la fonte des glaces, dus au changement climatique, pourraient modifier ce facteur. Sont-ils déjà affectés ? Assistera-t-on bientôt, comme certaines publications scientifiques l’affirment, à un ralentissement voire un effondrement de l’AMOC ?
Pour déchiffrer plus finement la circulation dans l’Atlantique, l’équipe de scientifiques a choisi de se rendre dans une section clé pour le fonctionnement de l’AMOC : Terre-Neuve, une zone spécifique où la dynamique de courants est très énergétique et se combine à un relief sous-marin complexe pour venir perturber le transport des eaux profondes et froides vers le sud et « casser » le tapis roulant.
Un « profileur » unique au monde déployé pour la première fois
Pour répondre aux objectifs de la campagne, l’équipe scientifique cartographiera la dynamique de l’océan sur la zone d’étude à l’aide de différents instruments de mesures et notamment d’un nouveau « mouillage » conçu en partie par l’Ifremer et déployé pour la première fois. Ce câble vertical possède un capteur « profileur » qui monte et descend mécaniquement le long du mouillage, là où d’ordinaire les mouillages classiques possèdent des capteurs fixes. Il récoltera pendant 2 ans des informations en continu sur l’ensemble de la colonne d’eau et mesurera notamment les variations de température et de vitesse des courants à une échelle très fine (quelques centimètres) pour mieux comprendre et quantifier le mélange des masses d’eau.
Les scientifiques mettront également à l’eau des flotteurs Deep Argo. Ces profileurs autonomes sont capables de plonger de la surface jusqu’à 4 000 mètres de profondeur. Ils se déplacent avec les courants tout en mesurant la température, l’oxygène et la salinité des masses d’eau.
Grâce à ses capteurs et à ses bouteilles de prélèvement d’eau, la rosette bathysonde – qui sera également déroulée depuis le bord jusqu’au fond – permettra d’obtenir des « empreintes » de l’océan à des endroits précis et à différents niveaux de la colonne d’eau. Ces mesures ponctuelles à haute résolution seront un atout considérable pour décrire le fonctionnement des branches de l’AMOC au voisinage de Terre-Neuve, mais également pour vérifier, et éventuellement corriger, les données transmises par les flotteurs Deep Argo et les mouillages de courantométrie déjà mis à l’eau l’année dernière.