Des engins robotisés pour explorer les grands fonds

À plusieurs milliers de mètres sous la surface, dans le froid, l’obscurité et sous de très fortes pressions, se trouvent des écosystèmes exceptionnels et des ressources minérales d’intérêt. L’étude des abysses, milieux extrêmement difficiles d’accès pour les humains, nécessite l’utilisation de sous-marins habités, de robots téléopérés et de drones sous-marins. L’Ifremer conçoit, crée et utilise ces engins scientifiques rares. 

Quels sont les engins sous-marins de l’Ifremer ?

En plongée, l’humain ne dépasse guère une centaine de mètres de profondeur. Les engins sous-marins donnent accès à l’océan profond, pour découvrir et étudier des écosystèmes, identifier des ressources, poser et réparer les câbles de télécommunication, explorer des épaves échouées par grandes profondeurs.

Les engins d’exploration sous-marine

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Sous-marin habité, le Nautile

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Robots téléopérés, Ariane et Victor 6 000

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Drones sous-marins, Ulyx, Idefx et Asterx

Le Nautile, seul sous-marin habité de la Flotte océanographique Française et le seul en Europe, embarque à son bord un scientifique et deux pilotes, pour des plongées durant jusqu’à 8h. Les robots téléopérés Victor 6000 et Ariane permettent des missions plus longues : ils restent reliés au navire scientifique par un câble qui transmet en direct les données (vidéos, mesures…). Le Nautile et les robots téléopérés ou ROV (Remotely Operated véhicules) sont capables d’opérer des observations, des mesures (chimie de l’eau, analyses ADN, photo…) et surtout de prélever des éléments, comme un morceau de roche, un fragment de corail profond ou une boîte noire d’avion…

Les drones sous-marins, ou AUV (Autonomous Underwater Vehicles, véhicules sous-marins autonomes) survolent les fonds des océans. Ils prennent des images (photographie ou sonar) des reliefs des fonds marins, effectuent des mesures de salinité et pH, etc. Ils peuvent couvrir de grandes surfaces (jusqu’à 20 km² par plongée !), en suivant un programme défini au préalable et sont donc privilégiés pour des mesures en route sur de longues distances. 

Comment sont développés les engins sous-marins de l’Ifremer ?

Ces engins sont uniques ! Ils sont en constante amélioration, pour répondre au mieux aux besoins des scientifiques et se mettre à jour des technologies disponibles. L’Ifremer a une équipe dédiée à la conception et au développement de ces engins sous-marins. Dans ces développements, l’Ifremer co-construit les équipements en partenariat avec des entreprises de l’économie bleue, internationale ou françaises, comme Forssea ou Exail technologies (fusion de ECA et iXblue).

D’autres pays développent des engins, chacun avec sa spécificité. Notre point fort est la perception visuelle en 2D et en 3D, et de pouvoir embarquer un grand nombre d’instruments de mesure et de les faire fonctionner ensemble.

Jan Opderbecke
Ifremer | Ingénieur-chercheur en robotique et traitement du signal

Les ingénieurs de l’Ifremer conçoivent ces engins pour relever des défis de taille : 

  • La résistance à des pressions énormes, jusqu’à 600 kg par centimètre carré à -6 000 mètres !
  • L’impossibilité de communiquer avec la surface par radio, GPS ou signaux lumineux car l’eau atténue très rapidement ces ondes. Il faut donc soit attendre la fin de la plongée pour récupérer les données, soit rester relié au navire via un câble long de 8 kilomètres !
  • L’accès à suffisamment de puissance électrique (sur batterie ou par câble), pour se déplacer, éclairer et effectuer les mesures pendant la durée de la plongée.
  • Un poids et un encombrement raisonnables, pour embarquer sur les navires de la Flotte océanographique française.

Des drones autonomes pour explorer de grandes surfaces

Des drones programmés pour explorer

UlyX, AsterX et IdefX « volent », au-dessus des fonds marins à des altitudes variables selon les missions : de quelques mètres à une centaine de mètres. Ils cartographient les reliefs des fonds marins  grâce à des sondeurs acoustiques multifaisceaux, des outils qui fonctionnent un peu comme une échographie. Ces sondeurs sont utilisés  depuis des navires depuis plus de 50 ans. La cartographie obtenue est aujourd’hui 10 à 100 fois plus précise, en installant les sondeurs sur des drones qui naviguent près des fonds ! L’avantage est d’autant plus grand que les fonds sont profonds.

Cette cartographie des fonds marins crée des cartes topographiques avec une résolution inférieure à 1 mètre : c’est le même ordre de grandeur que les cartes réalisées par petits fonds. Ce travail est utile pour repérer/évaluer des ressources minérales ou des écosystèmes particuliers comme la faune liée aux sources hydrothermales.

Un nouveau drone doté d’intelligence artificielle

UlyX, qui a plongé pour la première fois en 2022 est un AUV de nouvelle génération. Doté de comportements intelligents, il est capable d’analyser des données en cours de plongée et de prendre des décisions pour adapter son parcours. Il est capable de descendre jusqu’à -6 000 mètres, soit deux fois plus profond que ses prédécesseurs !

Il peut déjà faire de la photographie et de la cartographie et il sera progressivement équipé de capteurs supplémentaires : des capteurs biophysiques et physico-chimiques, pour mesurer la (sidenote: Turbidité C’est la mesure de l’aspect trouble de l’eau. Plus précisément, c’est la mesure de la teneur en particules en suspension dans l’eau. Une eau turbide, c’est l’opposé d’une eau limpide. ) , la présence de méthane, l’oxygène dissous…

Par exemple, pour repérer de nouvelles sources hydrothermales sous-marines, aujourd’hui les AUV survolent la zone et cartographient la (sidenote: Colonne d’eau Le volume d’eau compris entre le fond et la surface. ) et les fonds marins à l’aide de sondeurs acoustiques. Après la plongée, un scientifique analyse les données pour repérer les zones correspondant potentiellement à une source hydrothermale. Il faut ensuite programmer une seconde plongée, pour des prises de vues photographiques avec un robot téléopéré. Dorénavant, Ulyx va permettre de s’affranchir de cette étape en s’approchant d’un point d’intérêt pour prendre des photos.

Des robots téléopérés en constante amélioration

Une reconstitution 3D des paysages sous-marins

Rares sont les scientifiques qui ont pu voir les abysses de leurs propres yeux ! Il faut pour cela plonger à bord d’un sous-marin comme le Nautile pour observer les fonds marins à travers ses hublots. Les ROV, eux, ne donnent qu’une image en deux dimensions. Et pourtant ces images doivent servir au pilote à guider en temps réel les actions du robot dans un univers en trois dimensions ! Les scientifiques travaillent à reconstituer, une fois à  terre, des paysages 3D à partir des prises de vue 2D des robots. Ce travail peut être poussé jusqu’à générer des paysages sous-marins, à explorer en réalité virtuelle.

Un futur robot plus puissant

Un nouveau robot téléopéré est en projet. Appelé aujourd’hui « ROV+ », il disposera de plus de puissance électrique que le ROV Victor 6 000 et le (sidenote: HROV Hybrid Remotely Operated vehicule. Ariane est un robot relié par un câble de données très fin constitué d’une seule fibre optique, l’alimentation électrique étant assurée par des batteries.  ) Ariane. Avec cette puissance, il lui sera possible d’utiliser des outils scientifiques plus gourmands en énergie, par exemple pour forer des roches ou filtrer des larves d’animaux dans de grands volumes d’eau. 
Les robots Victor 6 000 ou Ariane sont reliés au navire par un câble de 8 000 mètres de long. Au bout de ce câble, Victor 6000 peut se déplacer dans un rayon de 200 mètres environ. Au-delà, il est nécessaire de déplacer le navire : le navire doit suivre le robot ! Le ROV+ bénéficie d’une amélioration de ce système de câbles. Il sera ainsi plus maniable, pour permettre aux scientifiques une exploration presque comme sur la terre ferme.

Toujours plus d’instruments scientifiques !

Les ingénieurs travaillent à intégrer toujours plus d’outils et de capteurs sur les robots téléopérés, notamment des outils pour le prélèvement d’eau, de faune, etc. Les découvertes scientifique sont intimement liées aux avancées technologiques. Les robots disposent notamment de contenants sous pression, pour remonter à la surface des échantillons vivants de faune de l’océan profond et mener des études proches de l’in-situ. Les robots peuvent remonter aujourd’hui jusqu’à plusieurs dizaines de kilos de prélèvements géologiques ou biologiques. 

Faciliter la communication

Les robots téléopérés sont reliés par une fibre optique au navire scientifique. Les ingénieurs connectent aujourd’hui ces robots aux moyens de communication entre le navire et la terre. Ils souhaitent transmettre les données directement du robot, au fond de l’eau, jusqu’à des laboratoires à terre. Ainsi, on pourrait solliciter en cours de mission l’expertise d’un scientifique resté à terre !

En plus de ces développements sur les ROV eux-mêmes, de nouveaux instruments scientifiques sont définis avec les utilisateurs. Dans le cadre du projet d’Equipex+ Deep Sea’nnovation, une quinzaine d’instruments pour la perception de l’environnement, pour les mesures in-situ et pour le prélèvement au fond sont réalisées pour les robots téléopérés. Certaines technologies sont développées directement par les scientifiques, car elles nécessitent une compétence spécifique et une connaissance fine des besoins. Le travail est mené en interaction étroite avec l’équipe qui développe les ROV pour assurer l’intégration de ces nouveaux capteurs au véhicule. Les équipements scientifiques ainsi développés permettront aux équipes scientifiques françaises de réaliser des travaux inédits au fond de la mer et de faire évoluer les observations et les méthodologies d’exploration sous-marine.