Surveillance des microalgues et de l'eutrophisation
Des efforts qui portent leurs fruits
Depuis 20 ans, les mesures effectuées par l’Ifremer affichent une tendance à la baisse de la quantité de microalgues sur certains secteurs des côtes françaises, particulièrement en Manche et dans le nord du golfe de Gascogne. En 2019, près de 7 % des eaux côtières métropolitaines, notamment en Manche−Mer du nord et en Bretagne, n'ont pas encore atteint le bon état écologique visé par la Directive-cadre sur le milieu marin pour ce critère. Les stratégies d’abattement des nutriments ont certes permis une baisse drastique de la concentration en phosphore dans les rivières, consécutive notamment aux mesures légales imposées sur les lessives. Mais les apports en nitrate actuels s’avèrent encore trop importants.
L'Étang de Thau : un exemple remarquable de résilience
Une étude sur 50 ans de données portée par des chercheurs de l’Ifremer et de l’Université de Montpellier (UMR MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation - MARBEC) montre qu’il a fallu attendre plus de 30 ans après la mise en service des premières stations d’épuration de la région de Sète dans les années 1970 pour que les eaux de la lagune de Thau retrouvent un bon état écologique. Les scientifiques ont également identifié la température de l’air comme étant le premier déclencheur des crises de manque d’oxygène appelées « malaïgues » (mauvaises eaux en occitan) qui étouffent la lagune en été. Ils révèlent qu’une augmentation de la température d’un degré suffit à multiplier par trois ce risque de malaïgue.
Représentation simplifiée de l'état d'une lagune selon différents états vis-à-vis de l'eutrophisation (mauvais état à gauche à très bon état à droite). Pour plus d'informations sur les évolutions des quantités de phytoplancton et des proportions d'herbiers/algues vertes/algues rouges, se référer aux figures de l'article Fifty years of ecological changes: regime shifts and drivers in a coastal mediterranean lagoon during oligotrophication » (https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.139292).
Des points de vigilance
Manche−Mer du Nord
La prolifération de la micro-algue Phaeocystis peut générer des mousses dépassant un mètre d’épaisseur dans certaines zones des Hauts-de-France.
Bretagne sud
Jusqu’à l’estuaire de la Loire, en passant par la baie de Vilaine, la Bretagne Sud connaît des épisodes marqués d’eaux colorées.
Comment l'Ifremer surveille-t-il la prolifération des microalgues et l'eutrophisation ?
L’Ifremer a créé le réseau de surveillance REPHY dans les années 1980. Les équipes effectuent de manière régulière, voire hebdomadaire selon la saison, des observations, des prélèvements et des analyses. Depuis vingt ans, les scientifiques suivent également la biomasse de microalgues sur nos côtes grâce à une détection par satellite basée sur la couleur de l’eau.
Des projets de recherche innovants
La modélisation, outil d’aide à la décision
En complément des observations, l’Ifremer développe des outils de calcul qui permettent un appui aux politiques publiques de demain. Une approche innovante a ainsi été mise au point sur l’eutrophisation, en couplant analyse d'images satellites et calcul numérique. Résultat : un scénario de réduction des apports en nitrate et en phosphore sur 45 fleuves français pour se rapprocher du bon état écologique selon les directives européennes, publié fin 2019. Sont pris en compte la dispersion des nutriments, les effets des courants, de la température, ou encore de la luminosité.
Selon ce scénario, afin que l'ensemble de la façade Manche-Atlantique atteigne le seuil de bon état écologique pour le nitrate, les apports de la Garonne, la Dordogne, la Loire et la Seine devront être réduits de plus de 60 %.
Les abattements en phosphore sont moindres : entre 10 et 20 % pour les principaux fleuves, excepté la Seine qui avoisine les 60 %.
Phenomer : le citoyen acteur de la détection des micro-algues
Unique en Europe, le projet de sciences participatives Phenomer invite les citoyens à signaler les phénomènes d'eaux colorées qu’ils observent en Bretagne et en Loire-Atlantique. Depuis 2013, 346 signalements ont été enregistrés. 176 s'avèrent effectivement reliés à des efflorescences de microalgues. À partir de ces observations et de ces prélèvements, les scientifiques analysent les échantillons, identifient les espèces en cause et mettent en place des actions de recherche spécifiques. De mars à décembre 2019, Phenomer a enregistré 27 signalements d'eaux colorées, dont 18 ont pu être identifiés et validés. Ce projet est complémentaire aux études locales et aux réseaux d'observation nationaux.