Surimi, un nouveau capteur pour surveiller la qualité des eaux
La présence de métaux est-elle systématiquement liée à l’activité humaine, dite anthropique, ou parle-t-on ici de sources totalement naturelles ?
Ce qu’il faut commencer par préciser, c’est que ces éléments métalliques sont pour la plupart naturellement présents dans l’environnement et sont essentiels à la vie et au fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Ils interviennent dans les processus régulant le cycle global du carbone. Cependant, la présence de certains de ces métaux lourds, comme le plomb, le cadmium ou encore le nickel, dans l’environnement, peuvent être aussi la conséquence d’une pollution d’origine anthropique liée, par exemple, à l’industrialisation et à l’urbanisation. La présence d’éléments métalliques ne rime donc pas automatiquement avec pollution. L’intérêt de les mesurer ? Avoir une meilleure compréhension du fonctionnement des écosystèmes, mais également caractériser la qualité des eaux, qu’elles soient océaniques, douces ou souterraines. La nouvelle génération de capteurs optiques multiparamètres développés dans le cadre de ce projet SURIMI pourrait être utilisée dans le cadre de la surveillance environnementale et être un système d’alerte autonome de pollution anthropique.
En quoi votre méthodologie se révèle-t-elle différente ?
Concrètement, l’approche classique pour analyser ces éléments métalliques s’appuie sur des prélèvements ponctuels d’échantillons d’eau qui sont ensuite analysés en laboratoire par des méthodes très performantes, mais coûteuses. Cette stratégie n’offre cependant que des résultats a posteriori. Des outils de terrain adaptés à la mesure sur site voire in situ sont nécessaires pour permettre non seulement une meilleure caractérisation de la dynamique chimique des masses d’eau mais aussi une gestion rapide et appropriée en cas de pollution accidentelle. Notre intention était de développer des capteurs capables d’effectuer des mesures en temps réel sans préparation préalable des échantillons et surtout de détecter et de quantifier simultanément plusieurs éléments métalliques en une seule analyse.
À quels défis répond le projet ?
Le premier, majeur, a été de mettre en place une technologie de polymères capable de distinguer spécifiquement ces éléments métalliques. Ces polymères à empreintes ioniques sont les éléments clés de la puce ou de la surface active du capteur Surface Plasmon Resonance Imaging (SPR). Ce sont eux qui vont permettre de capturer ces ions métalliques. Cette capture va être détectée et traduite en signal mesurable et proportionnel à la quantité d’éléments présents dans l’eau. Le deuxième défi est de développer une puce robuste et reproductible. Le capteur SURIMI a été testé avec succès en laboratoire avec des types d’eau présentant différentes caractéristiques physico-chimiques (teneur en sels, en particules, en matière organique…): eaux douces, eaux souterraines, eaux côtières, eaux dites « de transition » (entre eaux douces et eaux de mer), eaux minérales.
Quel est aujourd’hui son avenir ?
Nous avons fait la preuve de la fiabilité du concept, dont les applications sont nombreuses et diverses. Il s’agit d’un projet de recherche et développement que nous pouvons mettre à disposition d’acteurs très variés. Son futur dépendra de ces opportunités, et de l’intérêt que des financeurs lui trouveront. Avant cette potentielle phase de transfert, SURIMI devra être marinisé pour être testé en mer, c’est-à-dire dans des conditions plus dures telles que les abysses et les mers polaires. Ce travail sera nécessaire pour démontrer qu’il est définitivement plus performant que les capteurs et les méthodologies classiques. Nous restons bien évidemment en veille sur les éventuelles opportunités de développement.
La collaboration autour du projet a, semble-t-il, été décisive…
Clairement ! C’est un aspect qui, à mon sens, s’avère essentiel lorsque l’on se penche sur des questions d’innovation et de recherches. Sans mettre autour de la table tous les acteurs (voir encadré), apportant chacun sa spécificité et son expertise, nous ne serions pas parvenus à créer le prototype de SURIMI.
De nombreux acteurs aux côtés de l’Ifremer
Le développement du capteur optique SURIMI dédié à la surveillance des métaux dans l’eau a mobilisé les forces vives de nombreux partenaires et programme de recherche :
- Institut d’Optique (Université Paris-Saclay)
- École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles (ESPCI)
- Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM)
- Laboratoire Nanotechnologies et Nanosystèmes (LN2) regroupant du personnel CNRS et de l’Université de Sherbrooke (Canada)
- Programme de recherche TAKUVIK de l’Université Laval (Canada)
- KLEARIA, une société spécialisée en microfluidique à des fins analytiques et de chimie de synthèse basée à Nice.
SUrface plasmon Resonance for In situ Metallic Ions detection Cao P., Pichon V., Dreanno C., Boukerma K., Delaunay N. 2023. Development of ion-imprinted polymers for the selective extraction of Cu(II) ions in environmental waters, Talanta, 256,124295.