Série Rivages : Quel phénomène Jimmy a-t-il pu observer hier soir en bord de mer ?

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Bioluminescence en Australie
Hier dans l’épisode de rivage diffusé sur France 2, nous avons vu l'océan s’illuminer ! D’après Jimmy, un des personnages, il s'agirait d’un signe.. mais que dit la science ? 

Avez-vous déjà vu la mer briller la nuit, illuminée de l’intérieur par une lueur bleutée ? Ce phénomène, appelé bioluminescence, est observé chez des organismes capables de produire de la lumière grâce à une réaction chimique fascinante. En été, certaines plages sont un théâtre de lumière inattendu. Récemment, les plages de La Baule et de Pornichet en Loire-Atlantique ont été l’objet de ce spectacle unique, suscitant l’émerveillement des visiteurs et rappelant aussi des enjeux environnementaux importants.

La bioluminescence : un phénomène naturel fascinant

La bioluminescence est la production de lumière par des organismes marins. Ce phénomène se déclenche généralement par la friction des vagues ou des courants, et produit des teintes principalement bleues et vertes. Cela est dû à une réaction chimique entre la luciférine (une protéine) et la luciférase (une enzyme). Lorsque ces deux molécules se rencontrent, la luciférine est oxydée, émettant alors un photon, c’est-à-dire une particule lumineuse.

La bioluminescence joue plusieurs rôles pour les organismes marins : communication, camouflage, appât pour attirer les proies, et même moyen de défense. 

Une adaptation des abysses : la bioluminescence et le reflet de lumière

Dans les profondeurs marines, au-delà de 1 000 mètres où la lumière naturelle ne pénètre plus, la bioluminescence devient une stratégie vitale. On estime qu’au-delà de 4000 m de profondeur, près de 75 % des espèces sont capable de produire de la lumière. De nombreux organismes utilisent ce phénomène pour se défendre, se nourrir, se rencontrer et se reproduire.  Par ailleurs, certaines espèces des abysses, allant des bactéries microscopiques aux requins, en passant par les méduses, les crustacés, les poulpes et certains poissons sont capable d’émettre de la lumière

Ces adaptations extrêmes montrent comment la vie s’épanouit dans des conditions hostiles.

Observer et comprendre pour mieux protéger

Cet été 2024, des proliférations massives d’une espèce de microalgue bioluminescente, Alexandrium tamarense, ont coloré les eaux de Loire-Atlantique offrant un spectacle nocturne saisissant. Cependant, en journée, l’eau prenait une teinte marron-rouge.

Ces efflorescences de phytoplancton peuvent être une réponse à l’eutrophisation, c’est-à-dire à l’excès de nutriments dans l’eau. Elles peuvent engendrer des risques écologiques. En effet, en fin d’efflorescence, les microalgues meurent et se déposent sur le fond. Elles sont ensuite décomposées par des bactéries qui absorbent l’oxygène présent dans l’eau, ce qui le rend indisponible pour les organismes marins tel que les crabes, les poissons et les coquillages. Certaines espèces de phytoplancton produisent des toxines qui, en s’accumulant dans les coquillages, représentent un risque pour la consommation.  

Face aux défis que posent ces phénomènes, l’Ifremer et ses réseaux de surveillance, tels que le REPHY (Réseau d’observation du phytoplancton et de l’hydrologie dans les eaux littorales), permettent de suivre et de comprendre les dynamiques de ces efflorescences. Ces réseaux sont complétés par le projet de science participative Phenomer 2.0, qui invite les citoyens à signaler les eaux colorées observées via une application et à contribuer aux prélèvements d’eau. Ce projet utilise également les satellites Sentinel-2 et 3 du programme européen COPERNICUS pour identifier les blooms phytoplanctoniques, offrant une surveillance élargie et plus efficace.

Les observations des citoyens enrichissent les données scientifiques, permettant un suivi plus précis des phénomènes d’eaux colorées, de leurs impacts et de leur extension spatiale. En comprenant mieux ces dynamiques, les chercheurs peuvent proposer des solutions pour protéger les écosystèmes côtiers, limiter les conséquences de l’eutrophisation et mieux informer les usagers du littoral sur les risques environnementaux et sanitaires liés aux efflorescences phytoplanctoniques.

Ainsi, la bioluminescence, bien que magique et captivante, est également un rappel des responsabilités humaines dans l’équilibre fragile des écosystèmes marins et ne représente malheureusement pas un signe pour le petit Jimmy. Ces phénomènes nous invitent à observer, à comprendre et à préserver le monde fascinant de la vie marine.