Outre-mer : un état des populations de poissons souvent mal connu
Ce bilan s’appuie sur les volumes débarqués par les navires de pêche français en 2021 dans ces 5 départements et inclut les nouveaux diagnostics réalisés récemment sur une vingtaine de populations.
« Globalement, nous manquons de connaissances sur une grande partie des populations de poissons, qui représentent 43 % des débarquements dans ces régions, pour élaborer un avis sur leur état écologique, à l’exception des grands pélagiques (thon, espadon, marlin...) qui sont surveillés de près par différentes commissions internationales. Pour la plupart des espèces côtières, les données réglementaires de pêche (quantités de poissons débarquées) restent trop souvent lacunaires et peu exploitables scientifiquement. Il faut ainsi renforcer le suivi de ces populations pour permettre la mise en place d'une gestion durable », explique Alain Biseau, biologiste des pêches à l’Ifremer.
Loin d’être suffisante, cette première évaluation marque l’engagement de l’Ifremer sur ce sujet devenu une priorité pour l’institut. Elle a été réalisée à la demande de l’État dans le cadre des financements européens attendus pour renouveler la flottille de pêche de ces départements. La Commission européenne réserve en effet ces investissements aux projets garants de l’exploitation des populations en bon état écologique.
Conclusions des évaluations 2022
Martinique : la part des débarquements français d’espèces estimées en bon état est de 30 %. Les débarquements d’espèces non évaluées constituent près des deux tiers du total. Sur les 55 espèces identifiées dans les débarquements, seules 8 font l’objet d’une évaluation : albacore, makaire bleu, espadon, listao, voilier (évaluations effectuées par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (ICCAT)) et langouste blanche, langouste brésilienne et vivaneau (évaluations effectuées par l’Ifremer).
Guadeloupe : la part des débarquements français d’espèces estimées en bon état est de 20 %. Les débarquements d’espèces non évaluées constituent plus des trois quarts du total. Sur les 50 espèces ou groupes d’espèces recensés dans les débarquements, seulement 3 font l’objet d’une évaluation réalisée au sein de l’ICCAT (albacore, makaire bleu et listao).
Guyane : la part des débarquements français d’espèces estimées en bon état est de 40 %. Les débarquements d’espèces non évaluées constituent un quart du total. Sur les 37 espèces ou groupes d’espèces recensés dans les débarquements, seulement 5 font l’objet d’une évaluation par l’Ifremer. A noter le cas particulier de l’acoupa rouge classé dans la catégorie « surpêché » car il est notoirement ciblé par la pêche illégale sur laquelle nous ne disposons pas de données à l’heure actuelle.
La Réunion : la part des débarquements français des navires (hors thoniers senneurs) d’espèces estimées en bon état est égale à la moitié (51 %) du total. Les débarquements d’espèces non évaluées sont faibles (9 %). Sur les 71 espèces ou groupes d’espèces recensés, 23 font l’objet d’une évaluation : 11 espèces de grands pélagiques (thonidés, poissons porte-épée) par la Commission des thons de l'océan Indien (CTOI) et 12 espèces récifales par l’Ifremer.
Mayotte : la part des débarquements français d’espèces estimées en bon état est de 11 %. Les débarquements d’espèces non évaluées sont très importants (74 %), et très probablement sous-estimés. Sur les 44 espèces ou groupes d’espèces recensés dans les débarquements à Mayotte, seulement 8 espèces font l’objet d’une évaluation réalisée par la CTOI ; aucun diagnostic n’est encore disponible pour les espèces côtières ou récifales.
Diagnostic 2022 sur les ressources halieutiques débarquées par la pêche française dans les régions ultra-périphériques
Des départements au statut particulier
Ces 5 départements d’outre-mer français bénéficient du statut de région ultrapériphérique (RUP) européenne tout comme Saint-Martin (France), les îles Canaries (Espagne), les Açores et Madère (Portugal). Ces régions ultrapériphériques sont, comme les autres territoires de l’Union européenne, soumises au droit européen mais certaines spécificités leur sont reconnues du fait de leur éloignement géographique. La politique commune de la pêche s’y applique donc, ce qui n’est pas le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Pour répondre à ces enjeux européens, l’Ifremer mène, à la demande de l'État français, des activités de surveillance et d'expertise dans l’ensemble de ces régions. Ses évaluations sont historiquement plus robustes dans les régions où l’institut est implanté (La Réunion, Guyane et Martinique). Dans les autres régions, de nouvelles collaborations se mettent progressivement en place pour renforcer l’évaluation des ressources halieutiques.