Observer les évolutions du profil physico-chimique de l’océan
Prendre le pouls de l’océan : l’instrumentation
Le rôle des scientifiques est d’abord d’observer et de tenter de quantifier le phénomène en recueillant des données sur les évolutions physiques et chimiques en cours. Plusieurs outils sont à leur disposition pour prendre le pouls de l’océan : bouées, capteurs, observatoires mais aussi le réseau des 4000 flotteurs autonomes du programme international Argo qui mesurent en temps réel différents paramètres de l’océan en surface et en profondeur (température, salinité, oxygène, chlorophylle, PH…). L’Ifremer coordonne la contribution française du réseau avec le maintien de 300 flotteurs en activité et héberge l’ERIC (European Research Infrastructure Consortium) Euro-Argo. Le réseau Argo permet de surveiller et comprendre la réponse au changement climatique. La nouvelle génération de flotteurs profonds Deep Arvor sur lesquels l’Ifremer travaille sera capable de recueillir des données jusqu’à 6000 mètres. Ces flotteurs permettront de quantifier plus finement la répartition dans les couches profondes de l’excès de chaleur absorbé. Il sera ensuite possible d’évaluer l’impact de la dilatation de l’océan profond sur l’élévation du niveau de la mer.
La mer vue du ciel : l’océanographie par satellite
En complément des mesures in situ, l’observation de l’océan s’appuie aussi sur l’océanographie spatiale. Par exemple, l’Ifremer a notamment contribué à la mise au point de KaRIn, le radar du satellite SWOT, développé par le CNES et la NASA et à la validation sur le terrain des premières données récoltées au printemps 2023. Cette campagne à deux navires menée avec le Shom, a confirmé la qualité de ces nouvelles images instantanées du niveau de la mer qui permettent d’étudier les petites structures océaniques (tourbillons, filaments, fronts de courant) dont on sait qu’elles ont un rôle dans la machine climatique.
Des expéditions océanographiques ciblées
Les campagnes océanographiques de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer, constituent aussi une opportunité précieuse pour acquérir de nouvelles connaissances sur les évolutions liées au changement climatique dans des zones de l’océan difficiles d’accès comme les abysses. Une étude a ainsi mis en évidence le rôle mésestimé de la biodiversité des abysses dans la pompe à carbone océanique : ces données permettront d’améliorer les modèles climatiques. Le projet LifeDeeper (LIving together in the Future: vulnErability of DEEP sea Ecosystems facing potential mineral Resources exploitation) propose de développer de nouveaux outils pour éclairer le fonctionnement naturel géologique, géochimique et biologique de ces écosystèmes profonds. Il est financé dans le cadre du Programme prioritaire de recherche Océan & climat (2021-2028), un programme co-piloté par l’Ifremer et le CNRS et qui vise à structurer toutes les forces de la recherche française autour du défi climatique.
L’arctique, grand témoin du changement
Autres région du globe difficile d’accès : l’océan Arctique joue un rôle d’indicateur stratégique pour le climat car les changements y sont plus spectaculaires qu’ailleurs. L’Ifremer mène en Arctique des recherches. Le projet Waaxt, financé par une bourse du Conseil européen de la ERC, s’intéresse par exemple aux nouvelles interactions entre l’air et la glace. Dans un océan progressivement libéré de la glace, les vagues de surface jouent un nouveau rôle en modifiant la turbulence de l’océan et la formation de la banquise. Toujours dans cet océan Arctique, grand témoin des bouleversements climatiques, le projet CLIMArcTIC, a pour objectif de décrypter les causes et les conséquences du changement climatique à l’échelle locale et globale pour le climat mondial. Il se distingue par une approche pluridisciplinaire englobant des spécialistes des sciences humaines pour tenir compte des connexions complexes entre processus physiques, biologiques et humains autour de l’évolution des modes de vie et des activités économiques pour les populations autochtones. Le projet, coordonné par l’Ifremer, fédère 9 instituts et s’inscrit lui-aussi dans le programme prioritaire Océan & Climat. Conformément aux engagements récents pris par le Gouvernement français lors du One Polar Summit, l’Ifremer devrait renforcer son rôle dans les recherches en océanographie polaire, à la faveur de la construction du premier navire à capacité glace, le Michel Rocard, appelé à rejoindre la Flotte océanographique française.