Méditerranée : une santé halieutique à reconquérir d’urgence
Dès l’Antiquité cette « mare nostrum » a généré une activité économique importante qui a perduré au fil des siècles puisqu’on estime toujours que chaque village côtier de Méditerranée compte au moins un pêcheur. Mais les connaissances halieutiques en Méditerranée demeurent lacunaires et la majorité des populations de poissons ne font pas l’objet d’un suivi scientifique. Pour celles qui sont évaluées, bien que les derniers chiffres fassent état d’un début d’amélioration, les populations de poissons restent très fortement surexploitées avec encore 75 % des communautés de poissons de Méditerranée et de Mer Noire considérées en surpêche en 2019, contre 88 % en 2012. (Rapport FAO 2020)
En France, 39 % des débarquements méditerranéens sont issus de populations évaluées. Pour 61 % des débarquements, il y a une méconnaissance de l’état des populations. Cela représente 8 populations évaluées sur 274 espèces débarquées. Néanmoins ces espèces sont des bons marqueurs des principales communautés exploitées par les pêcheurs.
Sur les débarquements en volume des populations suivies, 1/3 viennent de populations considérées comme surpêchées : rouget et merlu principalement. Pour celles en voie de reconstitution, on cite essentiellement le thon rouge.
Un premier plan de gestion instauré à l’échelle européenne
Des efforts importants restent donc à réaliser pour inverser la tendance. L’Europe a voté en 2019 l’instauration d’un tout premier plan de gestion pluriannuel sur 5 ans, entré en vigueur en janvier 2020. Il concerne la Méditerranée occidentale fréquentée par les navires européens et s’applique donc à trois pays : l’Espagne, la France et l’Italie (du Sud de l’Espagne à la côte nord de la Sicile). Il cible en particulier les espèces dites « démersales », c’est-à-dire qui vivent près des fonds marins, et dont les populations, déjà considérées comme fortement réduites lors des premiers suivis scientifiques au début des années 2000, ont encore diminué de 20 % depuis.
Six espèces font ainsi l’objet d’un suivi attentif : le merlu européen, le rouget de vase, la crevette rouge, la crevette rose du large, le gambon rouge, la langoustine.
Le plan prévoit des actions sur plusieurs fronts avec en premier lieu des limites d’effort de pêche (jours de mer) s’appliquant à tous les chalutiers européens opérant en Méditerranée occidentale. Un premier palier de 10 % de réduction de l’effort par rapport au niveau 2015-2017 a eu lieu en 2020, puis l’objectif est d’atteindre 30 % de réduction par rapport à ce niveau initial sur l’ensemble des années 2021-2025.
D’autres mesures techniques de conservation sont également instaurées comme des fermetures temporaires de zones afin de protéger les juvéniles de merlu. Le but de ce nouveau règlement : « garantir que les activités de pêche soient durables à long terme sur le plan environnemental, social et économique ».
Le défi est de taille car la réduction d’effort de pêche impactera fortement la filière pendant les premières années de transition. Mais on sait que par le passé de tels plans de gestion ont permis la restauration de populations fortement surexploitées comme le thon rouge ou le merlu de l’Atlantique, et le maintien d’une exploitation productive et rentable.
Le Projet Pechalo écrit des scenarios d’avenir pour le merlu
Constatant l’état dégradé des populations de merlu dans le golfe du Lion, l’Ifremer et l’Association méditerranéenne des organisations de producteurs (AMOP) ont uni leurs efforts au sein du projet PECHALO (Pêcherie Chalutière d’Occitanie), qui s’est terminé au printemps 2020. Ensemble, ils ont réfléchi à la modélisation des meilleurs scenarios possibles pour redorer l’avenir du merlu en Méditerranée. Les solutions de réduction de l’effort de pêche se distinguent par leur plus grande efficacité.