Evaluer les impacts sur la biodiversité marine
Les algues toxiques
Les chercheurs de l’Ifremer spécialisés dans les micro-algues toxiques et nuisibles ont mis en évidence que le changement climatique provoquera des efflorescences de plus en plus difficiles à prévoir au gré notamment d’événements extrêmes (vagues de chaleur, tempêtes…) de plus en plus fréquents. Depuis quelques années, on décèle ainsi la présence d’Ostreopsis Ovata dans les eaux de la côte Basque où elle provoque des intoxications sous forme de symptômes grippaux et gastriques. Cette micro-algue tropicale migre progressivement vers le Nord au rythme du réchauffement de l’eau. De la même façon, l’Ifremer étudie la dynamique de diffusion des toxines de la micro-algues Gambersicus spp, responsable de la ciguatera, une intoxication alimentaire qui occasionne des troubles digestifs, neurologiques ou cardiovasculaires. Aujourd’hui la micro-algue gagne du terrain à la faveur du changement climatique qui lui permet de coloniser les coraux, tués par l’acidification des eaux, et d’augmenter ainsi sa répartition géographique. Le rôle de l’Ifremer, pilote du réseau Rephy-Rephytox, est de surveiller leur prolifération et d’alerter le cas échéant les autorités sanitaires pour préserver la santé des populations.
Les coraux
Côté faune cette fois, les coraux sont particulièrement vulnérables au changement climatique au point que 70 à 90 % des récifs pourraient disparaître à l’horizon 2100. Dans une étude publiée en 2022, des chercheurs de l’Ifremer ont toutefois constaté que les coraux « chimères » - c’est-à-dire des coraux d’une même espèce qui fusionnent naturellement – sont plus résistants aux changements induits par le dérèglement climatique parce qu’ils ont développé des gènes de résistance au stress qui les protègent davantage.
Une autre expérimentation menée notamment par des chercheurs d’Ifremer (projet ARDECO) consiste à tester la capacité d’adaptation des coraux d’eaux froide au changement climatique en les soumettant à différentes conditions de température et d’acidité dans des aquariums sous pression hébergé dans le centre de culture scientifique Océanopolis à Brest.
Hermelles, huîtres et bivalves
Le comportement d’autres récifs formés sur le littoral par des colonies de petits vers marins - les hermelles - font également l’objet d’un suivi à l’Ifremer. Les chercheurs ont déterminé que les hermelles profitent du changement climatique avec une superficie qui pourrait augmenter de 27,5 % vers le Nord jusqu’aux frontières de l’Ecosse dès 2050. A contrario ces récifs pourraient aussi complètement disparaître de certaines zones comme les Pertuis charentais et ne plus assurer la protection actuelle contre l’érosion du trait de côte.
Un autre sujet de recherche porte sur les effets combinés du réchauffement et de l’acidification des eaux côtières sur les huîtres et les moules, en suivant plusieurs générations. Les scientifiques pourront anticiper et évaluer la vulnérabilité de ces espèces, des écosystèmes et des entreprises conchylicoles en vue de mesures d’adaptation. Un autre projet investigue aussi les effets du réchauffement climatique combiné à d’autres stress environnementaux sur plusieurs générations d’huîtres plates.
Les poissons
Quant aux poissons, on les sait également sensibles aux changements climatiques. On constate une modification de la répartition des espèces, une diminution de l’alimentation et de la croissance des individus. L’Ifremer a multiplié les études sur plusieurs espèces de poissons parmi lesquelles le bar, la sole, l’épinoche, les sardines, anchois ou encore les harengs et les sprats avec parfois des suivis sur plusieurs générations de poissons, en fonction des différents scenarios de température et d’acidification envisagés par le GIEC. Ces études ont permis de montrer que la période de ponte chez certaines espèces est modifiée à cause du changement de température et de l’acidification. Des pontes plus précoces ont notamment été observées chez la sole. Ce qui décale le développement des larves par rapport aux efflorescences de plancton dont elles se nourrissent. Des travaux de recherche menés notamment sur le bar à l’Ifremer suggèrent que l’acidification pourrait de plus contribuer à une augmentation du nombre d’œufs produits mais de moindre qualité et à une altération du comportement reproducteur chez les mâles. Toujours chez le bar d’autres expérimentations confirment le lien entre température élevée et masculinisation des individus (75 % de mâles dans une eau à 21 °, 50 % dans une eau à 16°C). Chez les petits pélagiques (sardines, anchois), les données montrent une diminution de la taille et du poids à l’âge adulte sur les côtes françaises de la Méditerranée : la taille des sardines est passée de 15 à 11 cm en moyenne, leur poids de 30 g à 10 g, et les individus de plus de deux ans ont disparu. Cette étude met en cause un changement de la composition du plancton (avec des espèces moins grandes et moins riches), dont se nourrissent ces petits pélagiques, lié à plusieurs facteurs : la baisse des nutriments apportés par le Rhône, des modifications de la circulation atmosphérique et océanique, et une augmentation globale de la température de 0,5°C en 30 ans en moyenne en lien avec le changement climatique.
Le phénomène est également observé en mer du Nord sur d’autres espèces (hareng et sprat), avec des effets jusqu’aux gros poissons prédateurs placés au sommet de la pyramide alimentaire. Sans réduction des rejets de gaz à effet de serre, des scientifiques considèrent que la baisse des animaux marins pourrait atteindre 20 % à la fin du siècle.