Évaluer les effets de l’exposome chimique sur la faune marine ?
Mieux connaître les impacts des contaminants sur la biodiversité marine est l’un des enjeux majeurs de la surveillance. La plupart des molécules suivies dans le cadre des réseaux de surveillance ont une toxicité individuelle connue et étudiée en laboratoire (impact des perturbateurs endocriniens sur la reproduction, toxicité des pesticides organo-phosphorés pour le système nerveux, etc.). La faune marine est exposée à un ensemble de contaminants chimiques. Ces molécules, individuellement nocives ou non, peuvent agir en synergie sur les organismes vivants et voir leur toxicité renforcée ou l’apparition de nouveaux effets délétères. Cet effet cocktail est susceptible de se manifester même avec des doses faibles de contaminants.
Mesurer les effets de la contamination chimique chez les poissons et les mollusques, dans leur environnement
Le dispositif de Suivi des effets biologiques induits (SELI) vise à évaluer l’impact global sur la faune marine de l’ensemble des contaminants présents dans l’environnement, sur la base de travaux réalisés dans le cadre des conventions des mers régionales (OSPAR et MED POL) et à définir des indicateurs harmonisés à l’échelle internationale. Depuis 2017, le dispositif SELI a été mis en place dans les estuaires de la Seine et de la Loire-Vilaine. Des campagnes de prélèvements ont été réalisées pour mesurer des signes biologiques de toxicité sur des poissons plats, identifiés comme de bons indicateurs de l’état de santé de l’écosystème.
En plus de confirmer que les effets biologiques sont plus importants dans les lieux où les concentrations de contaminants sont les plus élevées, les résultats suggèrent également que ces effets persistent à distance de l’embouchure des fleuves, où la contamination est plus réduite. Même lorsque les seuils d’alerte ne sont pas dépassés pour chaque polluant individuellement, l’accumulation de composés chimiques peut provoquer des effets mesurables sur les espèces vivant à la côte et au large.
Des moules ont également été analysées au cours de ces campagnes, sur les mêmes zones, mais présentaient moins de signes de toxicité. Même si elles absorbent également des contaminants en filtrant l’eau, elles semblent donc plus résilientes à leurs effets que les poissons.
Exposome chimique : surveiller l’ensemble des contaminants présents dans l’environnement
Étudier les contaminants chimiques individuellement ne suffit donc plus, et les scientifiques développent des méthodes pour étudier l’ensemble des molécules présentes dans le milieu.
Analyser autrement pour anticiper les effets de l’exposome chimique
La veille de l’Ifremer sur les contaminants chimiques s’élargit également en s’appuyant sur de nouvelles analyses, dites « non ciblées » : à l’aide d’instruments de haute technologie, les scientifiques cherchent à identifier l’ensemble des molécules présentes dans un échantillon, et pas uniquement les contaminants déjà connus. Cela permet d’appréhender la diversité et la multitude des contaminants présents dans le milieu et d’identifier de nouveaux contaminants potentiels.
Évaluer le potentiel toxique du milieu grâce aux espèces sentinelles
Quand les espèces sentinelles ne sont pas présentes naturellement, des projets de recherche et de surveillance installent des espèces sentinelles de même origine sur différents points du littoral, à l’échelle régionale, afin de mesurer les effets nocifs de la contamination chimique sur les organismes marins au plus proche des conditions naturelles. C’est l’objectif par exemple des 250 poches de moules réparties sur 70 stations de suivi lors de la campagne SUCHIMED en 2021, dans le contexte de la directive cadre sur l’eau. Ces organismes sentinelles filtrent 20 à 25 litres d’eau par jour et accumulent rapidement les éventuels contaminants chimiques présents dans le milieu. Après deux mois et demi en mer, les poches ont été récupérées et les moules analysées pour mesurer les concentrations de polluants et leurs éventuels effets, ce qui a mis en évidence un stress environnemental plus fort au niveau de Rhône, de l’Huveaune et de la petite rade de Toulon.