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Les sardines et anchois rétrécissent. Le changement climatique en cause ?
Maillons essentiels de la chaîne alimentaire dans l’océan, les sardines et les anchois comptent parmi les poissons les plus pêchés au monde. Leurs populations affichent une abondance plutôt bonne en France métropolitaine. En revanche, depuis 10 ans, pêcheurs et scientifiques constatent une forte diminution de la taille et du poids des individus. Plusieurs projets menés par l’Ifremer dans le Golfe de Gascogne et en Méditerranée montrent que ce phénomène pourrait être lié au changement climatique.
Les anchois gagnent en abondance mais perdent en taille
Suite à son effondrement dans les années 2000 suivie de la fermeture de la pêcherie entre 2005 et 2010, la population d’anchois dans le Golfe de Gascogne a retrouvé de bons niveaux d’abondance. Une étude menée par l’Ifremer dans le cadre d’un vaste projet européen a montré que le réchauffement de l’eau n’aurait pas d’impact négatif sur l’abondance des anchois jusqu’en 2050 voire 2100. Elle pourrait même augmenter, comme c’est le cas en Mer du Nord depuis la fin des années 1990.
« Cette abondance d‘anchois s’explique par une production de plancton plus précoce due à une eau plus chaude, souligne Martin Huret, chercheur halieute à l’Ifremer. Les anchois profiteraient ainsi de cette nourriture plus tôt à la sortie de l’hiver ». En revanche, le plancton pourrait être moins abondant et de composition différente, ce qui pourrait agir sur la taille des poissons. Une diminution de leur taille est d’ailleurs observée depuis 2009 chez l’anchois ainsi que chez la sardine dans le Golfe de Gascogne et en Méditerranée.
Les sardines meurent plus jeunes
Depuis 10 ans, les populations de sardine en Méditerranée ne sont pas en bon état. Plus petite, plus maigre, leur poids moyen ne dépasse pas 10 g, contre 30 g auparavant ; et leur âge moyen dépasse rarement 1 an, contre 2-3 ans auparavant. Conséquence de ces changements, depuis 2008, les pêcheries méditerranéennes ne débarquent aujourd’hui plus que 1 000 tonnes par an contre 15 000 tonnes auparavant.
Comment expliquer cette diminution de la taille des sardines ? L’analyse du contenu de l’estomac de sardines a révélé que la taille du plancton ingéré avait diminué depuis 2008. Or, des expérimentations en captivité ont montré que plus le plancton est petit, plus la sardine dépense de l’énergie pour se nourrir.
Les scientifiques ont également mis en évidence que les sardines pêchées ont en moyenne entre 0 et 1 an en Méditerranée et entre 1 et 2 ans dans le golfe de Gascogne. « Elles sont très jeunes par rapport à celles pêchées il y a encore 10 ans, constate Jean-Marc Fromentin, également chercheur à l’Ifremer. Les individus âgés sont de plus en plus rares. Ce phénomène résulterait d’une mortalité précoce des adultes à la suite de la reproduction ». D’ordinaire, les sardines se reproduisent lorsqu’elles atteignent la taille de 13 cm. Aujourd’hui, leur reproduction intervient à une taille de 9 à 10 cm. Plus petites et en moins bonne condition, elles dépensent alors une trop grosse partie de leurs réserves et ne résistent pas aux conditions hivernales.
Comment le monde de la pêche s’adapte-il aux changements à venir ?
Modification des aires de répartition, diminution de la taille et de la teneur en omégas 3… L’ensemble des nouvelles connaissances sur ces petits poissons pélagiques a conduit les scientifiques et les professionnels à chercher des solutions pour anticiper les répercussions sur la pêcherie et la filière aval de transformation et de distribution. Démarré en octobre 2019, le projet Defipel va dans ce sens. « C’est la première fois que des scientifiques (écologues, halieutes, économistes) travaillent en concertation avec l'ensemble des acteurs de la filière (pêcheurs, transformateurs, gestionnaires des pêches et de l'espace maritime) sur un projet 'petits pélagiques' d'envergure nationale couvrant les trois façades Manche, Gascogne et Méditerranée », annonce Martin Huret.
Après avoir défini une série d’indicateurs sur l’état de l’écosystème, de la ressource et de la filière, ils construiront des scénarios d’adaptation à moyen et long terme. Ces outils permettront d’anticiper l’impact des variations environnementales et de simuler et sélectionner les stratégies d’adaptation les plus durables pour les pêcheurs, la filière avale mais aussi pour la préservation des populations de poissons.
De nouvelles perspectives grâce à la génétique. La génétique ouvre des perspectives pour compter autrement les poissons. Notamment grâce à la méthode de l’ADN environnemental. Les organismes marins laissent des traces d’ADN dans l’eau de mer. En analysant cet ADN à partir d’un échantillon d’eau, il est possible d’évaluer leur présence voire leur abondance dans le secteur de prélèvement. L’idée est ici d’utiliser les portions d’ADN comme un code barre pour identifier l’espèce. Les premiers prélèvements d’eau ont été réalisés en novembre dernier à bord du navire océanographique Thalassa. En parallèle, un marqueur génétique spécifique a été développé pour voir si cette méthode permet de quantifier les populations de merlu. Les analyses se poursuivront en 2020. L'ADN environnemental est une des approches sur lesquelles travaille l'Ifremer, comme le marquage de poissons et l'imagerie. Elle est prometteuse car elle donne accès à toutes les espèces et pas seulement les plus abondantes. L'objectif final est de minimiser l'impact de l'observation scientifique en utilisant les dernières avancées scientifiques et technologiques.