Disparition de Xavier Le Pichon, l’un des pionniers du CNEXO

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Xavier Le Pichon
C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de Xavier Le Pichon survenu le 22 mars 2025 à l’âge de 87 ans. Pionnier de la recherche sur l’expansion des fonds océaniques et la dérive des continents, Xavier Le Pichon était un scientifique de renommée internationale en géologie marine. Il a joué un rôle très important dans la création du CNEXO1  et les premiers pas du Centre Océanologique de Bretagne (COB).

Dans la préface de son ouvrage « Expédition FAMOUS, à 3000 mètres sous l'Atlantique » écrit avec Claude Riffaud (1976), Yves La Prairie, directeur général du CNEXO, disait de lui : [il] est, à trente-huit ans, l’un des géophysiciens les plus connus dans le monde. Il n’est pour s’en convaincre que d’entendre dans une réunion internationale où siègent les spécialistes de sa discipline, parfois de vingt ou trente ans ses aînés, s’enquérir à tout moment du débat d’un : qu’en pense Xavier ? Sa dimension est peu banale, car ce grand travailleur a tout à la fois les pieds sur terre, le cerveau d’un scientifique exceptionnel et l’âme d’un mystique. Il déroute car sa dent peut être aussi dure que son cœur est généreux. Il charme, il envoûte et puis, il provoque ; il exige, et puis il compose. Il est toujours en recherche, et navigue sans cesse de la certitude au doute, de l’inquiétude à la joie. Il a aussi le don d’expliquer simplement les choses difficiles : grâce à lui, j’en ai compris quelques-unes.

Son parcours

Xavier Le Pichon est né le 18 juin 1937 au Vietnam, dans le protectorat français d’Annam. Il fait ses études à l’institut Saint-Paul de Cherbourg et au lycée Sainte-Geneviève à Paris.  Après une licence de physique à l’université de Caen, il devient assistant à l’université de Columbia de New-York en 1963. Lorsqu’il commence sa carrière de chercheur, on connaissait à peine la dorsale médio-océanique, la plus grande structure de notre planète, longue de 60 000 kilomètres. Le fond des océans était inconnu. Il consacrera sa vie à l'explorer.

En 1966, il soutiendra une thèse : Étude géophysique de la dorsale médio-atlantique, à l’université de Strasbourg et en 1968, il proposera le premier modèle quantitatif de la tectonique des plaques, inspiré de la théorie d’Alfred Wegener. Le livre Plate tectonics, qu’il publie en 1973 avec Jean Bonnin et Jean Francheteau, reste encore aujourd’hui, à bien des égards, un texte de référence sur cette théorie.

À son retour des États-Unis, il est appelé par Yves La Prairie, le directeur général du CNEXO, à rejoindre cet organisme créé en 1967. D’abord conseiller scientifique (1968-1969), il devient chef du département scientifique à Brest (1969-1973), puis conseiller scientifique auprès du Président du CNEXO, à Paris (1973-1978).

En 1973-1974, il dirige le programme FAMOUS (French American Mid Ocean Undersea Survey), organisé dans le cadre de la coopération franco-américaine en océanologie et mettant en œuvre la Cyana - le submersible habité du CNEXO -, l’Archimède - le bathyscaphe de la Marine Nationale -  et le submersible Alvin du Woods Hole Oceanographic Institute. FAMOUS marque un tournant dans l’histoire de l’océanographie française, avec des campagnes d'un type nouveau pendant lesquelles il a été possible d'aller voir dans les profondeurs en vision directe. Pour la première fois, on a pu étudier une portion de la dorsale médio-Atlantique et son segment de zone transformante adjacent, à 700 kilomètres au sud des Açores.

Au cours de sa carrière, Xavier Le Pichon dirigera de nombreuses autres campagnes océanographiques. On se souvient notamment des campagnes de plongées KAIKO qu’il mettra sur pied dans les années 1980, dans le cadre du programme franco-japonais d’étude des fosses au sud de Tokyo. Conduites avec le sous-marin Nautile et son navire support, le Nadir, ces campagnes permettront de découvrir de nouvelles formes de vie dans les grands fonds et ouvriront la voie à des nouvelles recherches sur le mécanisme des tremblements de terre dans les zones de subduction. Homme de culture, il tirera de ces expériences des grands fonds, des témoignages fascinants dans des ouvrages destinés au grand public.

Xavier Le Pichon (au centre) en 1979 à bord du Nadir

Xavier Le Pichon (au centre) en 1979 à bord du Nadir.

Xavier Le Pichon laisse derrière lui un immense héritage scientifique, au-delà des géosciences marines, dans de nombreux domaines des Sciences de la Terre. Visionnaire, il perçoit dès le début des années 1990, le potentiel du GPS pour mesurer le mouvement des plaques tectoniques depuis l’espace et améliorer l’évaluation de l’aléa sismique dans de nombreuses régions tectoniquement actives. Par exemple, dès 1998 (bien avant le méga-séisme de Tohoku de 2011), il sera l’un des premiers à comprendre que le risque sismique dans la Fosse du Japon au nord de Tokyo, avait été sous-évalué.

Pédagogue infatigable, il a aussi formé un grand nombre de chercheurs. "Son œil pétillait dès qu'il était question de science. C'était un aiguillon et un guide pour tous les jeunes chercheurs qu'il encadrait", témoigne Jean-Marc Daniel qui a réalisé sa thèse de doctorat dans le laboratoire de Xavier Le Pichon à l'ENS. La communauté des géosciences marines lui doit beaucoup.

Membre de l’Académie des sciences et membre associé de l’Académie nationale des sciences des États-Unis, il est professeur à l’université Pierre et Marie Curie et dirige, à partir de 1984, le département de géologie à l’École normale supérieure à Paris. Il est fait Chevalier de la légion d’honneur en 1985 et Officier de l’ordre national du Mérite en 1990.

Nos pensées vont vers sa famille.

Notes

  • 1

    Le Centre National pour l'Exploitation des Océans a fusionné avec l’Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (ISTPM) en 1984 pour former l’Ifremer.