Des polluants présents sur les microplastiques affectent le développement de jeunes poissons

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Une étude conjointe entre des chercheurs de l’UMR EPOC1  de l’Université de Bordeaux et l’équipe de Marie-Laure Bégout de l’Ifremer (UMR Marbec), révèle les effets délétères sur le développement d’une espèce de poisson marin de substances chimiques véhiculées par des microplastiques. Bien que réalisée dans des conditions de laboratoire, cette étude montre comment les poissons exposés à ces contaminants sont peut-être aujourd’hui impactés. Ces scientifiques recommandent d’inclure ce mode de transfert de polluants dans l'évaluation des risques écotoxicologiques des microplastiques.

Ils sont microscopiques, ne dépassent pas 5 millimètres et pourtant ils sont susceptibles de menacer la santé de la faune marine. Les microplastiques sont dans le viseur des scientifiques. Plusieurs études ont montré que ces minuscules fragments de plastique sont ingérés par les coraux, les phytoplanctons, les zooplanctons, les oursins, les homards, les mollusques, les poissons… avec pour conséquences : des tubes digestifs bouchés, un appétit diminué, une croissance, une reproduction et un comportement alimentaire modifiés.

Mais le problème ne s’arrête pas là : ils sont aussi des vecteurs de polluants. L’équipe autour de Marie-Laure Bégout du laboratoire « Adaptation et adaptabilités des animaux et des systèmes »  (UMR MARBEC) en collaboration avec des chercheurs de l’UMR EPOC de l’Université de Bordeaux, des universités suédoise d’Örebro et espagnole de Vigo, viennent de publier dans la revue Marine Pollution Bulletin2 leurs résultats sur les effets toxiques de trois substances chimiques portées par des microplastiques sur des embryons et des larves de poissons medaka marin (Oryzias melastigma).

Les trois substances testées sont souvent retrouvées dans le milieu marin. Il s’agit : d’un polluant cancérogène contenu par exemple dans les vapeurs des gaz d’échappement (benzo[a]pyrène), et de deux perturbateurs endocriniens utilisés respectivement pour filtrer les UV dans les produits de protection solaire (oxybenzone) et pour notamment imperméabiliser des tissus, du mobilier et des tapis (acide perfluorooctanesulfonique). Les embryons et les larves de poissons ont été mis au contact de microplastiques pollués par ces composés à des concentrations situées dans la fourchette médiane à haute de ce qui est retrouvé dans l’environnement marin.

« A la différence de notre étude précédente3  qui ne montrait pas de preuve de toxicité sur les embryons et les larves de poissons zèbre exposés à ces mêmes polluants4  via les microplastiques, nous avons observé un ensemble d’effets toxiques sur les poissons de l’espèce medaka marin, explique Marie-Laure Bégout, chercheure en physiologie à l’Ifremer de Palavas et de Sète. Ceci s’explique notamment par la différence du temps de développement et donc de la durée d’exposition de ces deux espèces : 5 jours pour le poisson zèbre contre 12 jours pour le medaka. « Au bout de 12 jours, les larves de medaka exposées aux deux premières substances ont présenté une réduction de leur croissance, des anomalies de développement et de comportement. Les embryons et larves en contact avec le troisième polluant ont quant à eux vu leur survie et leur taux d’éclosion diminuer », précise-t-elle. En revanche, les medaka exposés à des microplastiques vierges de tout polluant n'ont pas montré d'effets toxiques.

Les scientifiques mesurent la taille des larves de medaka marin sous loupe binoculaire

Les scientifiques mesurent la taille des larves de medaka marin sous loupe binoculaire.

Dans la nature, les organismes aquatiques sont exposés de manière chronique sur de longues périodes à ces polluants associés aux microplastiques. « Ces nouveaux résultats sont donc, en termes de durée d'exposition, plus proches de la réalité en mer pour de nombreuses espèces, souligne Marie-Laure Bégout. Chaque année, 8 à 10 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans. 10 % flottent sous la forme de microdéchets potentiellement vecteurs de polluants en tout genre. Nous recommandons donc d’inclure ce mode de transfert de polluants dans l'évaluation des risques écotoxicologiques des microplastiques ».

Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet EPHEMARE (JPI Oceans, ANR-15-JOCE-0002-01)

Notes

  • 1UMR 5805 Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux
  • 2Le Bihanic, F., Clérandeau, C., Cormier, B., Crebassa, J. C., Keiter, S. H., Beiras, R., Morin B., Bégout M.L., Cousin X., Cachot, J. (2020). Organic contaminants sorbed to microplastics affect marine medaka fish early life stages development. Marine Pollution Bulletin, 154, 111059. doi.org/10.1016/j.marpolbul.2020.111059
  • 3Cormier B., Batel A., Cachot J., Bégout M.L., Braunbeck T., Cousin X., Keiter S.H. (2019) Multi-Laboratory Hazard Assessment of Contaminated Microplastic Particles by Means of Enhanced Fish Embryo Test With the Zebrafish (Danio rerio). Front. Environ. Sci. 7:135. doi: 10.3389/fenvs.2019.00135
  • 4Avec des concentrations similaires dans les deux cas et situées dans la fourchette médiane à haute de ce qui est retrouvé dans l’environnement marin.