Des déchets plastiques de la surface jusqu’aux fonds marins
Des déchets d’origine humaine sont aujourd’hui retrouvés, sous forme de macrodéchets ou de microplastiques, à tous les étages du milieu marin : échoués sur les plages, flottants en surface et dans la colonne d’eau, déposés sur les fonds marins, ou encore ingérés par les organismes vivants. Les plastiques représentent 78% des déchets en mer, mais d’autres types de déchets comme les engins de pêche, les céramiques et verres, les métaux ou encore les textiles font partie intégrante de cette pollution.
Pour l’essentiel d’origine terrestre, les sources de ces pollutions sont mal connues et parfois difficiles à identifier, d’autant que les courants océaniques peuvent disperser les déchets loin de leur source d’émission. C’est ainsi que ces déchets se concentrent dans des zones clefs, notamment à proximité des embouchures des fleuves ou de zones industrielles, et dans les zones d’accumulation sédimentaire ou de convergence des courants océaniques. Les scientifiques de l’Ifremer participent activement aux consortiums internationaux pour développer des surveillances harmonisées.
Différentes mesures et actions sont engagées pour permettre de réduire l’accumulation des déchets. Cependant leur durée de vie est longue, et les effets positifs n’apparaitront qu’à long terme.
Les fonds marins ne sont pas épargnés par les déchets
Les déchets flottants ne constituent que la partie émergée de l’iceberg, car une partie vient ensuite s’échouer sur le fond et forme une pollution plus discrète. En 2018, une campagne scientifique avec le robot Victor 6000 a attesté de la présence de ces déchets dans les canyons sous-marins de Méditerranée, jusqu’à 2 200 mètres de profondeur. Mais le suivi assuré par les scientifiques de l’Ifremer met en évidence des densités de déchets importantes non seulement sur les fonds marins de Méditerranée (510 déchets par km² en moyenne), mais également dans le golfe de Gascogne (282 par km² en moyenne) et en Manche Mer-du-Nord (217 par km² en moyenne).
« Les grands fonds constituent en effet des zones d’accumulation importantes dans lesquels les déchets sont piégés avec des densités parfois importantes, explique Olivia Gérigny. C’est notamment le cas du canyon sous-marin de Monaco, où des décharges sous-marines ont été observées sur plusieurs kilomètres. »
Ces environnements sont trop difficiles d’accès pour qu’il soit possible de ramasser les déchets accumulés. La prévention reste alors la seule solution pour ralentir l’accumulation de déchets et réduire leur impact sur les écosystèmes profonds.
Microplastiques, une pollution omniprésente
Sur le long terme, de nombreux déchets marins se dégradent lentement en particules fines, pour l’essentiel des microplastiques de moins de 5 millimètres. Ces fragments se dispersent ensuite dans l’ensemble du milieu marin et sur tout le littoral métropolitain. La quantité et la répartition restent cependant très variables, car elles sont fortement influencées par les courants marins, les vents et les activités humaines. Dans le golfe de Gascogne par exemple, les micro-déchets sont largement dispersés sous l’effet de la circulation saisonnière des eaux de surface, ce qui évite la formation de zones de forte accumulation. A l’inverse, la zone Manche Mer du Nord est caractérisée par des accumulations à proximité de la côte, notamment à l’embouchure de la Seine ou au nord de Boulogne-sur-Mer.
La densité de microdéchets est également particulièrement élevée en Méditerranée, avec en moyenne 88 164 micro-déchets par km². On assiste à des variations d’une année à l’autre, mais les scientifiques manquent encore de données pour identifier les tendances d’évolution de cette pollution. Des mesures sont adoptées dans la lutte contre les déchets, comme la Directive européenne relative aux plastiques à usage unique en 2021, mais il faudra probablement attendre encore plusieurs années pour être en mesure d’en vérifier l’efficacité à long terme.
Environ 700 espèces marines sont affectées par le plastique
La diversité des déchets et leur omniprésence en mer conduit à des impacts importants sur de nombreux écosystèmes. Les déchets de grande taille contribuent au transport d’espèces sur de longues distances, y compris d’espèces invasives. D’autres macrodéchets peuvent être ingérés par la faune marine et les oiseaux et causer des étranglements. Entre 2015 et 2020 par exemple, plus de 80% des tortues autopsiées en Méditerranée et 20% des individus vivants recueillis par les centres de soin avaient ingéré des déchets.
La pollution invisible causée par ces déchets représente un impact tout aussi important pour la vie marine. Les microplastiques sont facilement ingérés par les organismes marins, de même que les contaminants chimiques libérés par de nombreux déchets lors de leur dégradation. Les scientifiques de l’Ifremer conduisent des études pour mieux comprendre les conséquences de ce type de contamination, en particulier sur des organismes filtreurs comme les huîtres qui y sont particulièrement sensibles.
Que se passe-t-il quand les huîtres avalent des microplastiques ?
Article The Conversation d'Arnaud Huvet