Des contaminants pistés à la trace
Pour définir l’état d’un milieu, encore faut-il disposer du bon thermomètre pour mesurer sa bonne ou sa mauvaise santé.
C’est ce type d’outils que l’Ifremer s’attache à construire depuis plus de 40 ans et la création en 1979 du premier réseau national d’observation en Méditerranée (RNO devenu le ROCCH, réseau d’observations des contaminants chimiques). Au fil des décennies, toute une palette de réseaux complémentaires sont venus éclairer encore les connaissances de la contamination chimique en Méditerranée.
La surveillance : une stratégie sur plusieurs fronts
« La variabilité du milieu littoral ne confère que peu de signification à une mesure ponctuelle effectuée isolément dans l’eau, explique Marc Bouchoucha, chercheur en environnement marin au centre Ifremer de Méditerranée à La Seyne-sur-Mer. Une surveillance efficace repose sur une stratégie pensée sur plusieurs fronts qui tienne compte à la fois du facteur temps, du facteur spatial en multipliant les prélèvements dans l’environnement ou sur des organismes marins ».
La surveillance doit s’inscrire dans la durée à fréquence régulière pour permettre d’identifier des évolutions, de dégager des tendances. Elle suppose de définir un zonage d’analyses pertinent établi en fonction de critères comme les ressources à protéger, les sources de contaminants et leurs dynamiques de dispersion dans l’eau. L’implantation des stations de mesure se fait à différentes échelles : à quelques centaines de mètres du rivage à proximité d’apports identifiés, à moyenne distance et enfin au large pour évaluer la dilution des pollutions terrestres.
« La variabilité du milieu littoral ne confère que peu de signification à une mesure ponctuelle effectuée isolément dans l’eau, explique Marc Bouchoucha, chercheur en environnement marin au centre Ifremer de Méditerranée à La Seyne-sur-Mer. Une surveillance efficace repose sur une stratégie pensée sur plusieurs fronts qui tienne compte à la fois du facteur temps, du facteur spatial en multipliant les prélèvements dans l’environnement ou sur des organismes marins ».
La surveillance doit s’inscrire dans la durée à fréquence régulière pour permettre d’identifier des évolutions, de dégager des tendances. Elle suppose de définir un zonage d’analyses pertinent établi en fonction de critères comme les ressources à protéger, les sources de contaminants et leurs dynamiques de dispersion dans l’eau. L’implantation des stations de mesure se fait à différentes échelles : à quelques centaines de mètres du rivage à proximité d’apports identifiés, à moyenne distance et enfin au large pour évaluer la dilution des pollutions terrestres.
Avancées technologiques : de nouveaux pièges à contaminants
De grandes avancées techniques ont été accomplies pour améliorer la caractérisation de la contamination chimique en mer au premier rang desquelles la mise au point d’échantillonneurs passifs, des dispositifs utilisés par l’agence de l’eau et l’Ifremer. Ces outils sont venus combler une lacune concernant la détection de contaminants à caractères hydrophiles (pesticides, médicaments, alkylphénols…) qui passaient sous les radars de la surveillance auparavant. Ils présentent aussi l’avantage de pouvoir extraire et concentrer in situ certains composés, réduisant une partie des difficultés et du coût liés à l’analyse des contaminants à l’état de traces. Une petite révolution !
Des empreintes dans le sédiment
Mais la surveillance ne se résume pas à la seule analyse de l’eau. Dans le cadre du réseau ROCCH Sed, l’Ifremer réalise des dosages dans le sédiment marin. De nombreuses substances chimiques comme les métaux ou les polluants organiques persistants ont en effet la propriété de se fixer de manière quasi-irréversible à la surface des particules qui sédimentent. « On considère que les premiers centimètres des sédiments peuvent intégrer plusieurs années de contamination », pointe Marc Bouchoucha. Au-delà de ces dosages, la question des impacts se pose. C’est tout l’enjeu du réseau de mesure de la toxicité globale des sédiments (REMTOX). Pour connaître le potentiel toxique des sédiments méditerranéens, les scientifiques évaluent le taux de malformations embryonnaires de larves d’huîtres creuses exposées en laboratoire à des échantillons de sédiments.
Ils vont encore plus loin dans le réalisme pour établir un diagnostic complet de la qualité chimique de la Méditerranée : ils suivent les taux de contamination d’organismes marins vivant in situ.
Moules et poissons, les sentinelles de la pollution
Les scientifiques s’appuient sur l’étude des moules, qu’elles soient sauvages comme dans le cadre du réseau ROCCH ou implantées artificiellement à l’initiative du réseau RINBIO, deux réseaux opérés par l’Ifremer. Les moules jouent en effet pleinement un rôle de sentinelle du milieu marin car il s’agit d’une espèce sédentaire qui a la propriété d’accumuler les contaminants chimiques dans ses tissus, dans des proportions qui facilitent le dosage par rapport à des analyses faites dans l’eau.
Parallèlement un autre réseau porté par l’Ifremer, le réseau CONTAMED, s’intéresse à la concentration en contaminants chez les poissons. Quatre espèces sont ciblées dans le golfe du Lion et en Corse : le merlu européen (Merluccius merluccius), le rouget barbet de vase (Mullus barbatus), le sébaste chèvre (Helicolenus dactylopterus) et la petite roussette (Scyliorhinus canicula). Les prélèvements sont effectués lors des campagnes halieutiques MEDITS réalisées tous les 5 ans. Objectifs : mieux comprendre le transfert des contaminants tout au long de la chaîne alimentaire.
Surveiller pour agir de manière ciblée et efficace
Ce maillage toujours plus resserré de réseaux de surveillance et ses innovations dans les moyens d’analyse contribuent à cartographier de façon plus précise la contamination chimique en Méditerranée. L’enjeu est de taille car les données issues de la surveillance fondent non seulement les actions de lutte contre la pollution mais sont aussi indispensables à l’évaluation de l’efficacité des politiques de réduction de ces pollutions de toutes origines, domestique, industrielle et agricole.
Sur la liste des substances recherchées…
Pas moins de 65 contaminants chimiques sont actuellement suivis par les équipes de l’Ifremer, tous réseaux de surveillance confondus (RINBIO, ROCCH, CONTAMED). Les métaux ou éléments traces métalliques (ETM) peuvent être naturellement présents dans l’environnement. A faible teneur, certains jouent un rôle d’oligo-éléments essentiels au métabolisme d’organismes marins. Mais lorsque leur teneur dépasse un certain seuil sous l’effet des activités humaines, tous les métaux deviennent toxiques pour les êtres vivants. Le cadmium, le cuivre, le mercure, le nickel, le zinc ou le plomb sont ainsi surveillés de près. Des contaminants organiques sont également retrouvés dans le milieu marin. Parfois d’origine naturelle, ils sont le plus souvent produits par l’Homme et dispersés dans l’environnement. Il s’agit notamment des PCB (Polychlorobiphényles) ou des pesticides. Si certains se dégradent dans le milieu marin, d’autres demeurent persistants.
Leurs conséquences sur les organismes marins sont de différentes natures : ils peuvent affecter leur développement embryonnaire ou larvaire, leur reproduction, leur métabolisme mais aussi la croissance du phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine… Sans compter les effets mutagènes et cancérigènes des substances comme le PCB et le DDT, interdites de longue date mais toujours présentes dans le milieu.
La liste n’est évidemment pas exhaustive car de nouvelles substances émergentes apparaissent dans l’environnement marin en lien avec les produits de notre quotidien : crèmes solaires, détergents, parfums, retardateurs de flamme, microplastiques, médicaments, pour ne citer qu’une partie de ce « maelström » chimique.