Des chercheurs démontrent l’impact des nanoplastiques sur la reproduction des huîtres creuses
Les effets des nanoplastiques sur les organismes vivants en question
Depuis de nombreuses années, la communauté scientifique s’intéresse aux effets biologiques que peut entrainer l’ingestion de petites particules de plastique, appelés microplastiques, déchets présents dans tous les environnements aquatiques. Aujourd’hui, la question se pose concernant les nanoplastiques, issus de la fragmentation de déchets de plus grande taille déjà présents dans l’environnement marin et potentiellement issus d’un rejet direct de déchets nanométriques dans l’environnement (par exemple, issus de cosmétiques, d’abrasifs industriels, ou de l’utilisation d’imprimantes 3D). À ce jour, la quantité de nanoplastiques dans l’environnement n’est pas connue et nous les détectons dans l’eau de mer de manière indirecte par l’identification d’empreintes chimiques associées aux polymères synthétiques, comme le polystyrène.
L’huître creuse, cobaye idéal
L’huître huître creuse crassostrea gigas a une fécondation externe, c’est-à-dire que pour se reproduire, elle doit expulser ses cellules reproductrices (nommées gamètes) dans l’eau de mer. Elle sont donc particulièrement sensibles aux aléas environnementaux et à la qualité des eaux. L’huître creuse crassostrea gigas est donc un candidat parfait pour évaluer l’impact des micro et nanoplastiques.
L’impact des nanoplastiques sur la reproduction des huîtres démontré !
Expérimentalement, une équipe de chercheurs de l’Ifremer et du LEMAR (Laboratoire des Sciences de l’Environnement Marin), constituée autour du doctorant Kévin Tallec, a exposé des gamètes mâles d’huître creuse à des nano-billes de polystyrène de 50 nanomètres à 4 doses (de 0.1 à 25 μg.mL-1) pendant une heure. Ils ont observé qu’à partir de 10 µg.mL-1, les nanoplastiques les plus toxiques, ceux chargés positivement (du fait de leurs groupements de surface aminés, -NH2), ont induit une diminution du pourcentage de spermatozoïdes mobiles de 79% ! Les spermatozoïdes mobiles restants ont, eux, subi une diminution de leur vitesse de nage de 62%, menant à une baisse de leur succès reproducteur de 59%.
Ces images de microscopie électronique montrent ces nano-billes de polystyrène de 50 nanomètres collées à la surface de spermatozoïdes d’huître creuse. Elles perturberaient ainsi le fonctionnement de leur membrane biologique et les « gênerait physiquement » en les empêchant de se déplacer librement. Des effets pour le moins problématiques puisque la mobilité des spermatozoïdes est nécessaire pour leur permettre d’aller rencontrer et féconder un ovocyte et ainsi donner une nouvelle huître.
Ce phénomène peut-il avoir lieu dans la nature ?
La question qu’ouvre cette observation, obtenue en conditions expérimentales non représentatives de l’environnement, est la suivante : ce phénomène peut-il avoir lieu dans la nature ? Pour y répondre, il faudra nécessairement être en mesure de déterminer les quantités de nanoplastiques présents dans les zones côtières. De nouvelles technologies innovantes doivent donc être développées pour quantifier les particules de plastique de taille nanométrique.
Cette étude s’inscrit dans le cadre de la thèse de Kévin Tallec, financée par l’Ifremer et la Région Bretagne, au sein du projet ANR nanoplastiques.