Des bactéries comme conservateurs naturels pour lutter contre le gaspillage alimentaire
On estime aujourd’hui à environ 30% les pertes alimentaires en Europe. Face à ce constat l’Europe a lancé en 2023 un appel à projets pour réduire la part des déchets alimentaires. L’Ifremer participe à deux projets de recherche, MICROORC – coordonné par l’institut Norvégien de recherche alimentaire Nofima - et FOODGUARD – coordonné par l’Université d’agriculture d’Athènes. Ces projets portent sur des produits carnés, marins, laitiers et végétaux différents mais partagent des objectifs communs : mieux prédire la durée de conservation des produits afin d'éviter le gaspillage alimentaire ; développer des emballages recyclables et plus durables ; et enfin trouver des solutions innovantes, comme l’utilisation de bactéries bioprotectrices, pour remplacer les conservateurs chimiques et augmenter les durées de vie des aliments.
L’expertise Ifremer pour les produits marins
La France est le second pays producteur de saumon fumé d’Europe. Cependant, la présence fréquente de la bactérie Listeria monocytogenes dans ce produit constitue un risque pour le consommateur et génère des pertes économiques. C’est dans ce cadre que l’Ifremer participe au projet MICROORC et se concentre spécifiquement sur le saumon fumé, pour soutenir la transition vers des systèmes alimentaires plus durables et plus sains.
« Après 30 ans de recherche à l’Ifremer, nous avons découvert deux bactéries marines intéressantes issues du saumon, Carnobacterium maltaromaticum et Carnobacterium divergens, capables de réduire le risque de Listeria et de retarder la dégradation du goût et de la texture qui arrive naturellement dans la plupart des aliments en fin de conservation » explique Françoise Leroi.
L’objectif pour les années à venir est de combiner ces bactéries aux nouveaux emballages développés dans le projet, vérifier leur efficacité et enfin de procéder à des tests pour rendre possible l’utilisation de ces bactéries dans les usines de production.
Le second projet européen, FOODGUARD, lancé en 2024, se focalise sur la daurade et le bar d’élevage. Il a débuté par l’acquisition de connaissances pour comprendre les détails de l’altération de la chair de ces deux espèces lorsqu’elle est conservée en barquette sous atmosphère protectrice, un mode de conditionnement courant pour faciliter l’acte d’achat du consommateur. Le projet doit se poursuivre par la sélection de souches de bactéries les plus adaptées pour limiter les bactéries altérantes qui auront été identifiées.
« Le procédé de biopréservation n’a jamais été testé sur des poissons frais. Les mécanismes de dégradation sensorielle des produits issus de la daurade et du bar sont très différents de ceux du saumon fumé et trouver des bactéries de biopréservation efficaces reste un gros défi. La collections de bactéries marines de l’Ifremer est un atout pour ce projet. Le développement de cette technologie et la compatibilité avec des emballages innovants demandera de nombreux ajustements » explique Françoise Leroi.
Le développement de ces solutions ouvre de belles perspectives pour réduire le gaspillage alimentaire. En s'attaquant aux défis complexes de la conservation des aliments, notamment du saumon, de la daurade et du bar, l'Ifremer démontre sa capacité à allier innovation technologique et développement durable.