Bilan 2024 : 58 % des volumes de poissons débarqués en 2023 proviennent de populations exploitées durablement. Certaines populations sont cependant menacées de déclin.

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Evolution de l’état des populations de poissons exploitées en France hexagonale entre 2015 et 2023.

Les débarquements de poissons en France hexagonale totalisent 323 000 tonnes en 2023, en recul par rapport à l’année précédente (346 000 tonnes) et loin des 400 000 tonnes débarquées annuellement entre 2010 et 2018. L’évaluation de l’état des populations révèle en revanche une répartition qui se stabilise au cours des dernières années, avec en particulier 46 % des débarquements qui proviennent de populations « en bon état » plusieurs années consécutives. La situation reste encore loin de l’objectif de 100 % des populations pêchées au niveau du rendement maximum durable (RMD) fixé par la Politique commune de la pêche.

Sur l'ensemble des débarquements, dans quels états se trouvent les différentes populations de poissons pêchées ?

46 %

en bon état

12 %

reconstituable

19 %

surpêchée

1 %

surpêchée et dégradée

2 %

effondrée

2 %

non classifiée

19 %

non évaluée

« La part des populations non surpêchées a légèrement progressé en 2023. Mais si l’on regarde la tendance sur les 5 dernières années, on observe des fluctuations mineures plutôt qu’une réelle amélioration comme cela avait été le cas entre 2008 et 2016, constate Clara Ulrich, coordinatrice des expertises halieutiques à l’Ifremer. Comment expliquer que la situation peine à s’améliorer alors que le nombre de populations non surpêchées continue à augmenter ? Il ne suffit pas de regarder ces évolutions passées, il faut aussi prendre en considération la part des jeunes poissons qui seront les adultes de demain. C’est un facteur clé pour anticiper les tendances à venir et pour garder un temps d’avance pour un océan nourricier. » 

Les chiffres des évaluations précédentes sont recalculés chaque année

A chaque nouvelle évaluation, les scientifiques intègrent les données de l’année la plus récente et revisitent les estimations des années antérieures pour être au plus proche de la réalité. Ces révisions font partie du processus scientifique établi. Elles peuvent ainsi conduire à réviser le statut de l’état d’une population de poissons estimé l’année précédente, et ce, d’autant plus que les indicateurs (biomasse et pression de pêche) sont fluctuants et proches des seuils de référence du rendement maximum durable. A quelques tonnes près, certaines populations peuvent ainsi basculer d’un état à un autre, d’une année à la suivante. 

Dans le bilan 2023, la part des populations non surpêchées en 2022 était ainsi estimée à 56 %. Ce chiffre 2022 a été revu à la baisse dans le cadre de l’évaluation 2024 : de 56 %, il a été révisé à 52 %, du fait, principalement, de la révision du statut de la morue de l’Atlantique en mer de Barents et de Norvège et de la petite roussette de l’Ouest de l’Irlande à la Manche Est. Pour 2022, le statut de ces deux populations, qui représentent environ 3 % des débarquements, est en effet passé de « en bon état » (selon le bilan de 2023) à « surpêchée » (selon le bilan de 2024).

Des situations contrastées selon les façades maritimes

La situation en mer du Nord et dans l’est de la Manche est assez similaire aux années précédentes : 56 % des volumes de poissons débarqués en 2023 proviennent de populations en bon état (contre 55 % en 2022). Le volume des débarquements a légèrement diminué (107 000 tonnes en 2023, contre 113 000 tonnes en 2022), tandis que les volumes de débarquements sont stables pour les deux principales espèces (hareng et coquille Saint-Jacques). La principale évolution est le déclassement du lieu noir, une espèce importante car elle représente 10 % des débarquements de la région en 2023, qui passe de « reconstituable » à « surpêché » en raison d’une pression de pêche trop importante qui risque de conduire à une baisse de la population.

Dans l’ouest de la Manche et en mer Celtique, la part des populations considérées en bon état augmente depuis 2010 pour atteindre presque 50 % en 2023. Cependant le volume de débarquements continue d’y diminuer, totalisant 122 000 tonnes en 2023 contre 150 000 tonnes en moyenne entre 2011 et 2018. Cela s’explique en partie par une croissance au ralenti de la biomasse de certaines espèces, notamment le merlan, la morue et le lieu jaune qui sont évalués « effondrés ». À cela s’ajoute également la perte de zones de pêche suite au Brexit.

Dans le golfe de Gascogne, la part des populations considérées en bon état n’augmente pas et reste en dessous de la moyenne nationale (39 % des débarquements en 2023 comme en 2022), malgré une tendance à la baisse des débarquements depuis les années 2000 (de 101 000 tonnes en 2014 à 71 000 tonnes en 2023). En 2023, la sardine représente encore près de 20 % des débarquements de la zone et les changements fréquents de statut de cette population (passée de « effondrée » à « reconstituable » en 2023) influent beaucoup sur la situation générale dans le golfe de Gascogne. 

En Méditerranée, le volume total des débarquements reste stable à 18 000 tonnes en 2023, comme l’année précédente. Si une part très faible des débarquements est issue de populations en bon état (toujours inférieure à 1 %), environ 40 % sont issus de populations reconstituables, comme le thon rouge. En revanche, près de 50 % du volume des débarquements sont issus de populations « non évaluées », comme le poulpe, le maquereau et la daurade royale. Les problématiques méthodologiques pour l’évaluation de ces espèces requièrent de la part des scientifiques de développer de nouvelles approches pour permettre d’autres formes de suivi.