Pêche : les labels sont-ils satisfaisants ?
Devant la diversité des produits proposés sur l’étal des poissonneries, pas si simple pour le consommateur de faire un choix éclairé. Outre leur qualité, qu’en est-il de leur mode de production ? Proviennent-ils d’une pêcherie durable ? Un réflexe naturel serait de se fier aux labels censés distinguer les produits conformes aux exigences d’une alimentation saine et aux objectifs du développement durable. Néanmoins, à la différence de certains pays anglo-saxons ou scandinaves, où la majeure partie de la pêche nationale est labellisée, il existe peu de labels en France. Ceux-ci sont peu connus du grand public et parfois controversés.
Trois questions à Fabienne Daures, économiste des ressources marines à l’Unité d’économie maritime de l’Ifremer et à l'UMR Amure.
Comment savoir si le poisson qu’on achète provient d’une pêche durable ?
Actuellement, seulement la moitié environ des poissons pêchés en France et en Europe provient de populations exploitées durablement. Pourtant, il s’avère quasiment impossible de savoir si le poisson qu’on achète provient d’une pêche durable. Sur le marché français des produits marins, les consommateurs ont le choix entre des produits de la pêche (poissons et coquillages sauvages) et des produits d’aquaculture (élevage). Pour les produits de la pêche, deux références dominent : le label mondial privé MSC (Marine Stewardship Council) - créé il y a 20 ans par l’ONG WWF et le groupe agroalimentaire Unilever - et le label national « écolabel pêche durable » lancé par FranceAgriMer en 2014. Il y a aussi les labels d’origine géographique du type « produit en Bretagne » ou « Pavillon France ». Enfin il existe de nombreux guides d’achat, par exemple Ethic Ocean, Mr Goodfish, mais ils ne peuvent pas être assimilés à un label.
Qu’est-ce qu’un label garantit ?
Prenons l’exemple du MSC, le plus répandu bien que plus de 60 % des consommateurs français déclaraient en 2019 ne pas le connaître. Ses deux premiers critères, assez aisément quantifiables et consensuels, garantissent que le produit labellisé est : 1/ issu d’un stock en bonne santé et 2/ que ce stock est bien géré et donc que la pêcherie est contrôlée. Un troisième critère portant sur les impacts sur les écosystèmes cristallise parfois la controverse. Toute pêcherie a en effet un impact sur l’écosystème, même faible. De multiples indicateurs peuvent être utilisés pour mesurer et évaluer les différents types de pêche selon leurs impacts sur les fonds marins ou sur les espèces vulnérables (sans parler du bilan carbone ou des déchets !). En revanche, il n’y a pas de consensus sur la manière de prioriser ces indicateurs (quels sont les impacts les plus importants à prendre en compte ?) et de définir des valeurs seuils (à partir de quel degré décide-t-on que cet impact est trop préjudiciable pour l’environnement et/ou les ressources ?) nécessaires pour déterminer la durabilité environnementale des différentes méthodes de pêche. Enfin, la dimension socio-économique (bien-être au travail des pêcheurs, impact pour les populations littorales…) est totalement absente des critères MSC. Enfin, ce dernier est parfois aussi critiqué pour être trop onéreux pour les petits pêcheurs, qui n’ont en effet pas toujours les moyens financiers pour se soumettre aux audits de contrôle payants, par des experts indépendants, qui conditionnent l’obtention de ce label.
Le second label « écolabel pêche durable » (français) porte quant à lui sur de nombreux critères y compris environnementaux et sociaux. Mais sa complexité a freiné la participation des professionnels de la pêche et il est encore très peu utilisé. Ces deux exemples montrent bien toute la difficulté d’éclairer les choix des consommateurs qui souhaiteraient un label à la fois transparent, rigoureux et accessible.
Comment les recherches de l’Ifremer sur la durabilité de la pêche peuvent-elles contribuer à améliorer les labels ?
Des chercheurs de l’Ifremer, en collaboration avec d’autres instituts, travaillent sur la définition de nouveaux indicateurs de la pêche durable pour évaluer les effets des pratiques jusqu’ici difficilement pris en compte notamment sur les dimensions : éco-physiologique (qualité nutritive, fraîcheur du produit, bien-être animal), socio-économique (bien-être des pêcheurs et des communautés littorales, sécurité alimentaire pour les consommateurs) et halieutique (maintien des populations de poissons pêchées à un niveau optimal). Toute la difficulté de l’exercice réside dans la hiérarchisation de ces dimensions et l’établissement de critères et de seuils pertinents. S’il peut aboutir à l’évolution des labels existants, ce travail pourra également être utilisé comme référentiel pour mener des politiques durables de la pêche. Une autre piste est à l’étude : dans le cadre de la stratégie européenne « De la fourche à la fourchette », la Commission européenne prépare un « nutriscore de durabilité » à l’image de la notation déjà popularisée de nombreux produits agro-alimentaires. Basé sur des critères plus simples, il aurait l’avantage d’être accessible aux petites pêcheries et d’indiquer des pistes d’amélioration des pratiques plutôt qu’un label binaire « durable/non durable ». Mais il suppose de réussir à harmoniser les pratiques en vigueur dans les différents pays potentiellement concernés.
Aucun label n’est donc parfait. Cependant, un produit labellisé reste un produit sur lequel des efforts ont été faits pour améliorer ses modes de production. Privilégier les labels lors de nos achats, c’est un levier pour inciter les acteurs de la filière à aller vers une pêche toujours plus responsable et durable. Mais le rôle des pouvoirs publics français et européens reste prépondérant pour assurer la bonne gestion de la pêche !