Pourquoi l’algue Gelidium exploitée sur la côte basque est-elle de moins en moins abondante ?
En mer, la structure tridimensionnelle du Gelidium en fait une véritable canopée, une zone d’abri, de nourriture et de nurserie pour les jeunes poissons ou les invertébrés marins comme les céphalopodes. De nombreuses espèces végétales et animales vivent associées au Gelidium qui favorise ainsi la biodiversité littorale. C’est aussi un producteur primaire, c'est-à-dire qu'il crée sa propre matière organique à partir de la photosynthèse. Il joue donc un rôle primordial dans la chaîne alimentaire de ces zones côtières et capte une partie du carbone présent de l’eau.
À terre, le gelidium est à l’origine de la production de l’agar-agar, un gélifiant naturel utilisé en cuisine et également dans l'industrie cosmétique. Entre la collecte et la valorisation de cette ressource naturelle, le Gelidium est aujourd'hui une filière à forte valeur ajoutée et une source d’emplois pour la région.
Mais depuis quelques années, les professionnels du secteur constatent une diminution des débarquements du Gelidium sur la côte Basque. En trois ans, la production des navires du Comité des Pêches Maritimes Pyrénées-Atlantiques Landes a chuté de 2000 tonnes à moins de 1000 tonnes et la production des ramasseurs à terre s’est effondrée. Depuis 2020, la côte basque française et espagnole est également soumise à des proliférations de la microalgue toxique Ostreopsis qui recouvre le thalle du Gelidium sous la forme d’un mucus dont l’impact sur sa composition biologique et biochimique n’a pas encore été étudié. Par ailleurs, la qualité de certains lots a été remise en cause par un acheteur espagnol en raison de la présence d'algues unicellulaires non déterminées.
Face à ce constat, des chercheurs de l’Ifremer, l’Université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA) et le Centre pour l'Aquaculture, la Pêche et l'Environnement (CAPENA) ont lancé le projet de recherche Gelidium 64. Pendant plusieurs mois, ils ont sillonné les champs de Gelidium de la côte basque rocheuse française en plongée sous-marine ou à l’aide de drones pour dresser un premier état des lieux de la ressource en Gelidium. Leur étude montre une couverture du Gelidium hétérogène, dense sur les platiers rocheux mais plus faible avec la profondeur. Elle confirme également la présence de la microalgue toxique Ostreopsis aux trois profondeurs échantillonnées, soit jusqu’à -10 m.
Leurs résultats mettent en évidence que le jaunissement des rameaux entraine une baisse de la qualité du Gelidium, notamment de sa teneur en sucre. Néanmoins, l’analyse de ces résultats et de la littérature montre que le jaunissement des rameaux est un phénomène antérieur à l’apparition d’Ostreopsis sur la côte basque. Les causes du jaunissement seraient d’origine environnementale (augmentation de la température de l’eau, phénomène d’irradiance et modification des propriétés optiques de la colonne d’eau) mais pas seulement, puisqu’une implication bactérienne avec un possible « effet cocktail » est également à considérer. Certains rameaux sont en effet recouverts de mucus. Selon la saison, ce mucus gélatineux peut provenir de microalgues, de larves de zooplancton, de bactéries ou virus…. Les scientifiques cherchent aujourd’hui à savoir si ce mucus a des conséquences sur la survie des Gelidium (impact écologique) et sur les propriétés biochimiques des pieds de Gelidium, comme leur teneur en sucre (impact économique).
La mise en place d’un observatoire local des conditions environnementales permettrait de mieux comprendre les mécanismes (évolution de la température, niveaux d’irradiance, disponibilité en nutriments…) qui agissent sur l’état de santé de champs de Gelidium de la côte basque, une aire marine protégée au titre de Natura 2000.
L'économie du Gelidium
En ce qui concerne la filière économique, l’essentiel de la production mondiale de Gelidium est situé au Maroc (+ de 80 %), la majorité de la filière de transformation est située en Espagne. Le prix d’achat de la production au Pays basque nord est déterminé par rapport au prix fixé par les industriels espagnols à Fontarabie (0,47 €/kg d’algues humides en 2022-2023). Trois sociétés espagnoles exercent un quasi-monopole sur la production au Pays basque (Hispanagar, Industrias Roko et Agar Asturias). Côté français, la Coopérative La Basquaise joue un rôle central dans la filière de commercialisation. La demande mondiale est soutenue et les prix de l’agar-agar E406 et de l’agarose sont importants (120 à 200 € / kg pour l’agarose pure). En revanche, les prix payés aux producteurs au Pays basque stagnent à des niveaux relativement bas.